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PORT-ROYAL.

sions publiques, ces ferrailleries sorboniques, qui déplacèrent si vite la question et déroutèrent les esprits. Mais, le mal une fois fait, après des années d’une tactique, selon lui, fausse et fâcheuse, je conçois très-bien que M. de Barcos ait pensé qu’il en fallait finir absolument, s’il y avait moyen, et qu’il ait conseillé, à cette seconde époque, une démarche dans ce sens-là, toute ouverture, tout accommodement possible, c’est-à-dire encore le silence. Ce n’était pas là être en contradiction avec soi-même ; car il se dirigeait bien moins en tout ceci en vertu d’une teneur constante de raisonnement comme Arnauld, que par un certain esprit méditatif et intérieur. Le malheur est que la forme et l’expression trahissaient souvent sa pensée si droite ; il expliquait, je n’en doute pas, beaucoup de ces bonnes raisons, dans les cinq cents Re-


    dence de ceux qui en ont trop parlé a mis l’Église dans le trouble où elle est ; que c’est une chose si mal conçue que d’avoir envoyé à Rome, qu’il n’a jamais pu être de cet avis. — Je lui dis : « Mais comment est-il possible qu’on ait fait une chose de cette importance contre votre avis, vous qui savez si à fond toutes ces matières, et qui êtes si fort considéré par ceux qui tiennent la doctrine de saint Augustin ? » — Il me dit : « Il est véritable que, quand on m’a consulté là-dessus, j’ai toujours dit que l’on gâteroit tout d’envoyer à Rome et que le temps n’étoit pas propre pour découvrir les vérités si peu connues et qui attirent des conséquences si ruineuses pour ceux qui les ont ignorées ; qu’il en falloit user comme les ministres d’État doivent faire des choses qui se délibèrent dans le Conseil, c’est-à-dire les taire, parce que le peuple n’est pas capable de comprendre les secrets du prince ; que les matières présentes sont les grands secrets de Dieu, et quiconque les prodigue est coupable. » Et en particulier il me blâma fort ceux qui parlent et en font des conférences. Fort de ces messieurs qui paroissent les défenseurs furent nommés et fort rebutés de lui, et il désapprouva le procédé de NN… disant qu’il savoit bien qu’on parloit plus de ces choses chez eux qu’en quelque lieu que ce fût, et qu’il m’assuroit que tant qu’ils agiroient ainsi, ils n’avanceroient point dans la vertu. Je lui dis ce que c’étoit que de leur vie et de leurs intentions. Il me répondit que c’est dommage qu’ils s’occupassent ainsi de choses qui ne pouvoient que leur être nuisibles en leur particulier et à toute l’Église. Sa conclusion est qu’il faut être en silence ; que le mal qui est présentement en l’Église est causé par ceux qui se sont trop avancés ; que pour lui qui sait fort ces vérités, il est persuadé que Dieu ne veut point que l’on donne ces secrets dans le temps où nous sommes. » (À la suite des Journaux de Des Lions, Bibliothèque du Roi, Sorbonne, 1258).