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PORT-ROYAL.

La plus considérable et la plus estimée de ces traductions est celle de l’historien Josèphe.[1] Richelet rapporte que d’Andiily lui avait dit de cet ouvrage qu’il l’avait refait dix fois, qu’il en avait châtié le style avec un soin extrême, et s’était attaché à le couper plus qu’en ses autres productions. On l’a loué d’avoir rendu à Josèphe toutes ses grâces ; ne lui en a-t-il pas prêté ? Il paraîtrait qu’en voulant être élégant, il n’aurait pas été toujours fidèle. Richard Simon, et même de plus impartiaux que lui, en y regardant de près, ne s’en sont pas montrés toujours satisfaits. Mais le mérite inappréciable de ces traductions du dix-septième et aussi du dix-huitième siècle, qui se rapportent plus ou moins à la méthode d’Amyot, ç’a été, ne l’oublions pas, de se faire lire de tous avec l’aisance et l’agrément d’un original, ce qui disparaît si complètement dans la méthode tendue et opiniâtre de nos jours. Madame de Sablé, qui n’avait jamais pu aimer les histoires, commençait par celle-ci à y prendre du plaisir. Cette traduction de Josèphe fut offerte à Louis XIV ; il en sera dit un mot dans une visite au roi, à l’occasion des derniers honneurs de d’Andilly.[2]

  1. Messieurs de Port-Royal écrivent Joseph.
  2. Des deux portions dont se compose l’ouvrage traduit, les Antiquités judaïques parurent en 1667, et l’Histoire de la Guerre des Juifs deux ans après, en 1669. On en pourrait lire une critique assez détaillée, et qui, pour être intéressée, ne semble pas moins judicieuse, dans la préface de la nouvelle Traduction de l’historien Joseph, FAITE SUR LE GREC, par le Révérend Père Gillet (1756). FAITE SUR LE GREC, c’est là déjà une espèce d’épigramme contre le devancier. Bien qu’il sût du grec en effet, on a cru remarquer que d’Andiliy suit volontiers la traduction latine de Sigismond Gélénius ; et, toutes les fois que Gélénius a bronché, l’élégant traducteur, dit-on, a répété le faux pas. Cela n’empêcha en rien l’espèce d’illusion que fit la belle infidèle au début, et il n’est même pas besoin, pour expliquer ce premier silence de la critique, de croire avec Le Clerc que ce fût par respect pour M. de Pomponne. — Peu après la publication du Josèphe, un jour que Richelet était allé