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LIVRE DEUXIÈME.

l’arrivée, et consacrée le dimanche suivant par M. de Sainte-Beuve, délégué à cet effet par l’archevêque. — Peu à peu on bâtit aux environs, surtout aux Granges, et les solitaires purent tous regagner leur cher désert. Ce rétablissement aux Champs, si peu complet qu’il fût d’abord, produisit dans toute la Communauté un renouvellement, et comme un rafraîchissement d’esprit et de règle, que volontiers on se figure. L’ancien printemps de mysticité et de grâce renaissait, et il en circulait des parfums : « Il est vrai, écrivait la mère Angélique en envoyant un plan des lieux à la reine de Pologne, qu’il ne se peut voir de plus belle solitude. » Mille expressions charmantes de la mère Agnès, en ses Lettres manuscrites,[1] attestent et dépeignent l’influence : « Je tiens à bon augure, écrit-elle à une religieuse qui avait fait le voyage, que vous ayez ressenti le lieu où vous êtes en l’approchant ; c’est un certain mouvement de dévotion qui ne se ressent point ailleurs… Cette maison si cachée et si enfoncée sera bien propre pour vous faire oublier tout ce qui s’est passé en la première, et pour vous faire croire que vous entrez de nouveau en religion, l’autre paroissant un monde au regard de celle-ci. Quand vous aurez prié Dieu dans cette église sombre et solitaire, vous direz encore mieux ce que vous aurez ressenti. » Et encore, dans un voyage qu’elle-même y fit : « Ce lieu saint me touche, ce me semble, plus que tous les autres ; on y sent vraiment Dieu d’une façon particulière. Si nos Sœurs de Paris l’avoient éprouvé, je crois qu’elles demanderoient à Dieu des ailes de colombe pour y voler et pour s’y reposer. Mais, parce que Dieu aime toutes ces deux maisons, et qu’il y veut être honoré et servi également, il ne donne pas cette inclination à toutes, voulant seulement qu’elles

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