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PORT-ROYAL.

les moyens. « Ils ont voulu faire mourir M. de Saint-Cyran en athée, disait l’évêque d’Orléans d’alors, M. de Netz, indigné de cette calomnie opiniâtre des Jésuites ; voilà comme la rage et l’envie de ces bons Pères passent jusque dans les sépulcres. » Les haines ecclésiastiques ont ce privilège d’être infâmes tout à leur aise et en toute sûreté de conscience. Elles n’ont pas changé de nos jours. L’éditeur des Mémoires de Rapin et l’annotateur sont imbus du même esprit et du même fanatisme : il leur suinte par tous les pores. Ils ont besoin de dénigrer et de flétrir tout ce qui n’est pas pour leur orthodoxie jésuitique ou pour leur infaillibilité romaine. Oh morale naturelle, simple, droite, légitime, inaugurée par les sages, acceptée par les bons cœurs et les bons esprits, morale des honnêtes gens, claire et pure comme le jour, manifeste comme le soleil, quand donc seras-tu assez large, assez abondante, assez ouvertement saluée, honorée et pratiquée dans notre France pour laver et noyer à jamais ces baves impures !



SUR M. DE BARCOS.

( Se rapporte à la page 222. )


Le Père Rapin, dans ses Mémoires très-mélangés, et dont j’ai caractérisé l’esprit, a des parties, toutefois, qui ont pour nous un véritable intérêt et qui méritent attention : c’est lorsqu’il rapporte des conversations qu’il a eues personnellement et qui ont passé presque en entier sur le papier. Il y faut toujours faire la part de son intention qui n’est pas bienveillante ; mais le sens général et l’ensemble du mouvement subsistent. En ce qui est de M. de Barcos, il eut sur lui des renseignements assez particuliers qui lui furent donnés par Bartet, secrétaire du Cabinet, qui habita la Touraine pendant sa disgrâce, et qui put même acquérir une terre avec titre de marquisat sur la frontière de la Touraine et du Berry. Il y avait noué des relations avec M. de Barcos en qualité de voisin et d’homme d’esprit qui cherche ses pareils :

« Ainsi (nous dit le Père Rapin) l’abbaye de Saint-Cyran fut une de ses promenades les plus ordinaires, et l’abbé un de ses entretiens les plus réglés. Il le trouvoit à son gré par un fonds de sincérité qu’il lui vit dans le cœur et par une grande capacité. Voici donc ce qu’il m’en dit dans le premier voyage qu’il fit à Paris, après que le duc de Créqui, son patron, l’eut