Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
107
BÉRANGER.

ce serait aussi vif que le premier jour : car, encore une fois, comme il le dit, il tient son affaire.

Béranger a publié jusqu’ici quatre recueils : le premier à la fin de 1815, le second à la fin de 1821, le troisième en 1825, le quatrième en 1828. Le premier, qui était plus égrillard et plus gai que politique, et le troisième, qui parut sous le ministère spirituellement machiavélique de M. de Villèle, n’encoururent pas de procès. Le recueil de 1821, incriminé par M. de Marchangy et défendu par M. Dupin aîné, valut à Béranger trois mois de prison ; celui de 1828 (sous le ministère Martignac), incriminé par M. de Champanhet et défendu par M. Barthe, le fit condamner à neuf mois. Outre ces deux principales affaires, Béranger en eut encore deux autres dans l’intervalle : l’une en mars 1822, à propos de la publication des pièces du premier procès, il fut acquitté ; et plus tard une légère chicane pour contrefaçon, qui n’eut pas de suite. Le cinquième et dernier recueil de Béranger doit paraître dans le courant de janvier prochain.

En tête de ce volume, Béranger portera sur lui-même, sur l’ensemble de son œuvre, sur la nature de son rôle et de son influence durant ces quinze années, un jugement qu’il nous serait téméraire de devancer ici pour notre compte. À partir du Dieu des Bonnes Gens, toutes ses facultés, toutes ses passions tendres ou généreuses, se versèrent dans ce genre unique, qui ne lui avait semblé d’abord qu’une diversion et presque une dérogation à son talent. Ces Petits-Poucets de la littérature, comme il les appelle, portèrent aussitôt par