mais sans péripétie ni revanche éclatante ; cherchant quelque repos dans l’abstinence du sage, dans le silence, l’oubli et la haute sérénité des cieux. Oberman est bien le livre de la majorité souffrante des âmes ; c’en est l’histoire désolante, le poëme mystérieux et inachevé. J’en appelle à vous tous, qui l’avez déterré solitairement, depuis ces trente années, dans la poussière où il gisait, qui l’avez conquis comme votre bien, qui l’avez souvent visité comme une source, à vous seuls connue, où vous vous abreuviez de vos propres douleurs, hommes sensibles et enthousiastes, ou méconnus et ulcérés ! génies gauches, malencontreux, amers ; poètes sans nom ; amants sans amour ou défigurés ; toi, Rabbe, qu’une ode sublime, faite pour te consoler, irrita[1] ; toi, Sautelet, qui méditais depuis si longtemps de mourir ; et ceux qui vivent encore, et dont je veux citer quelques-uns !
Car la destinée d’Oberman, comme livre, fut parfaitement conforme à la destinée d’Oberman comme homme. Point de gloire, point d’éclat, point d’injustice vive et criante, rien qu’une injustice muette, pesante et durable ; puis, avec cela, une sorte d’effet lent, caché, maladif, qui allait s’adresser de loin en loin à
- ↑ C’est l’ode de Victor Hugo :
Ami, j’ai compris ton sourire
Semblable au ris du condamné…
Cette ode, d’abord adressée à R. (Rabbe), fut si mal accueillie que le poëte en changea la suscription et mit À Ramon, duc de Benav…