Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/258

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ne le perdons pourtant point de vue encore ; mais, à travers cette vue, il est simple que le souvenir du passé tienne une grande place.

Jusqu’en juillet 1830 l’abbé de La Mennais avait eu un rôle qui offrait cela d’unique, de se tenir, entre tant de rôles mobiles, par une inflexibilité entière, et de se dessiner sans aucune variation. En y regardant de près pourtant, on y verrait bien quelque différence d’opinion aux diverses époques. Ainsi, dans les Réflexions sur l’État de l’Église, de 1808, la puissance spirituelle n’est pas présentée encore comme la supérieure et la régente du pouvoir temporel : ce sont plutôt aux yeux de l’auteur deux alliés qui s’entr’aident. Il fait remarquer le rapport constant qui s’est établi entre le déclin et le retour des vrais principes politiques et des principes religieux pendant le cours de la Révolution française ; le Concordat n’est pas maudit. Dans ce livre et dans celui de l’Institution des Évêques que M. de La Mennais composa de concert avec son frère, on verrait l’épiscopat aussi considéré et invoqué que plus tard il fut rabaissé et rudoyé par le défenseur de l’omnipotence romaine. Mais, à part ces modifications assez secondaires et d’ailleurs antérieures en date, la principale ligne de doctrine de l’abbé de La Mennais, surtout depuis son Essai sur l’Indifférence, n’avait pas fléchi. Son but était grand : c’était de ramener la société indifférente ou matérialiste au vrai spiritualisme, au vrai christianisme comme il l’entendait, c’est-à-dire au catholicisme romain. Il y a dans sa conduite d’alors et dans sa tendance d’aujourd’hui cette véritable, cette