pense à peu près aujourd’hui de la lecture de Bernardin de Saint-Pierre ; quand on nommera les Harmonies, c’est uniquement de celles du poëte que la postérité entendra parler. Lamartine, vers le même temps, aima et lut sans doute beaucoup le Génie du Christianisme, René : si sa simplicité, ses instincts de goût sans labeur ne s’accommodaient qu’imparfaitement de quelques traits de ces ouvrages, son éducation religieuse, non moins que son anxiété intérieure, le disposait à en saisir les beautés sans nombre. Quand il s’écrie à la fin de l’Isolement, dans la première des premières Méditations :
Et moi je suis semblable à la feuille flétrie…
Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !
il n’est que l’écho un peu affaibli de cette autre voix
impétueuse : Levez-vous, orages désirés, qui devez emporter René,
etc. Rousseau, je le sais, agit aussi très-puissamment
sur Lamartine ; mais ce fut surtout à
travers Bernardin de Saint-Pierre et M. de Chateaubriand
qu’il le sentit. Il n’eut rien de Werther, il ne
connut guère Byron de bonne heure, et même il en
savait peu de chose au delà du renom fantastique qui
circulait, quand il lui adressa sa magnifique remontrance.
Son génie préexistait à toute influence lointaine.
André Chénier, dont la publication tardive (1819)
a donné l’éveil à de bien nobles muses, particulièrement
à celle de M. Alfred de Vigny, resta, jusqu’à ces
derniers temps, inaperçu et, disons-le, méconnu de
Lamartine, qui n’avait rien, il est vrai, à tirer de ce