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PORTRAITS CONTEMPORAINS.

notre âge. Après le collége, vers 1809, Lamartine vécut à Lyon, et fit, je crois, dès ce temps, un premier voyage et séjour en Italie[1]. Il fut ensuite à Paris, s’y laissa aller, bien qu’avec décence, à l’entraînement des amitiés et de la jeunesse, distrait de ses principes, obscurci dans ses croyances, jamais impie ni raisonneur systématique ; versifiant beaucoup dès lors, jusque dans ses lettres familières, songeant à la gloire poétique, à celle du théâtre en particulier ; d’ailleurs assez mécontent du sort et trouvant mal de quoi satisfaire à ses goûts innés de noble aisance et de grandeur. La fortune, en effet, qu’il obtint plus tard de son chef par héritage d’un oncle, n’était pas près de lui venir, et, comme tous les fils de famille, il sentait quelque gêne de sa dépendance. En 1813, sa santé s’étant altérée, il revit l’Italie ; un certain nombre de vers des Méditations et beaucoup de souvenirs dont le poëte a fait usage par la suite datent de ce voyage : le Premier Regret des Harmonies s’y rapporte probablement. La chute de l’Empire et la Restauration apportèrent de notables changements dans la destinée de Lamartine. Il était né et avait grandi dans des sentiments opposés à la Révolution : il n’avait jamais adopté l’Empire et ne l’avait pas servi. En 1814, il entra dans une compagnie

  1. Il visita en effet l’Italie en 1810 et 1811, il dut y relire Corinne, et lui-même (dans ses Destinées de la Poésie) a confessé et proclamé cette influence de madame de Staël. — Il faut dire que les confidences biographiques données depuis par Lamartine laissent encore à désirer pour les époques précises ; il n’est pas l’homme des dates.