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Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/33

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CHATEAUBRIAND.

il a écrit l’Itinéraire, Moïse, les Martyrs, près de ces arbres de tous les climats, qui lui rappellent les Florides ou la Syrie, et si petits encore qu’il leur donne de l’ombre quand il se place entre eux et le soleil, M. de Chateaubriand, au comble de sa gloire, au plus haut de la montagne de la vie, profitant des derniers jours de calme avant les orages politiques qu’il pressent, se retourne un matin vers le passé et commence la première page de ses Mémoires[1]. Il est né à Saint-Malo, d’une famille noble, des anciens Chateaubriand de Beaufort qui se rattachent aux premiers comtes, ensuite ducs de Bretagne. Il discute cette généalogie, il nous y intéresse : « Mais n’est-ce pas là, se dit-il, d’étranges détails, des prétentions malsonnantes dans un temps où l’on ne veut que personne soit le fils de son père ? Voilà bien des vanités à une époque de progrès, de révolution ! » Non pas ; dans M. de Chateaubriand, le chevaleresque est une qualité inaliénable ; le gentilhomme en lui n’a jamais failli, mais n’a jamais été obstacle à mieux. Béranger se vante d’être du peuple, M. de Chateaubriand revendique les anciens comtes de Bretagne ; mais tous les

  1. Si nous osons bien exprimer un vœu qui, nous le savons, est celui de plusieurs, c’est que ces pages des jeunes années, écrites en des jours si propices, restent ce qu’elles furent, ce qu’elles étaient la première fois que nous les entendîmes, et que l’illustre écrivain, dans son inquiétude du mieux, s’abstienne de retouches et, comme on dit en peinture, de repentirs, qui ne sauraient que compliquer une première ligne heureuse. — (Le vœu tout littéraire que nous formions n’a pas été exaucé : l’auteur, en y repassant, n’a pu se retenir de gâter quelques endroits.)