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VICTOR HUGO.

tient pas de pénétrer, avaient réveillé au foyer des Feuillantines les sentiments déjà anciens d’opposition à l’Empire, et la mère vendéenne, l’enfant élève de Lahorie, se trouvèrent tout naturellement royalistes quand l’heure de la première Restauration sonna.

Victor Hugo n’avait que douze ans ; une idée singulière, bizarre dans sa forme, le préoccupait au milieu de ce grand changement politique ; il se disait que c’était déchoir pour la France de tomber d’un Empereur à un Roi. Mais, à part cette velléité d’orgueil national qui se prenait à un nom, ses vœux et ses penchants, d’accord avec tout ce qu’il entendait autour de lui, étaient pour l’ordre nouveau. Il passa cette année, non plus aux Feuillantines, mais rue Cherche-Midi, en face l’hôtel des Conseils de guerre, à étudier librement, à lire toute sorte de livres, même les Contemporaines de Rétif, à apprendre seul la géographie, à rêver et surtout à accompagner chaque soir sa mère dans la maison de la jeune fille qu’il épousa par la suite, et dont en secret son cœur était déjà violemment épris. Vinrent les Cent-Jours : les dissidences domestiques entre madame Hugo et le général s’étaient envenimées : celui-ci, redevenu influent, usa des droits de père, et reprit d’autorité ses deux fils, ce qui augmenta encore la haine des enfants contre le gouvernement impérial. Comme il les destinait à l’École polytechnique, il les plaça dans la pension Cordier et Decote, rue Sainte-Marguerite ; ils y restèrent jusqu’en 1818 et suivirent de là les cours de philosophie, de physique et de mathématiques au collége Louis-le-Grand.