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GEORGE SAND.

ai promises, et je désire que vous les lisiez avec attention ; car j’ai besoin de votre jugement et de vos conseils. Soyez-moi moins indulgent que votre amitié ne vous porte à l’être. Il faut que vous veniez m’écrire cette lettre que vous savez bien, et dîner avec moi après-demain ou le jour suivant. Pouvez-vous ?

« Si vous avez travaillé à votre livre, vous seriez bien bon de m’en apporter la suite.

« Adieu. Je voudrais bien mériter votre affection, mais je m’aperçois de plus en plus que vous valez mieux que moi, et cela me fâche.

« George. »


« (Mars 1833.) Eh bien ! mon ami, quand viendrez-vous dîner avec moi ? Que vous n’ayez pas faim, ce n’est pas une raison ; je ne tiens pas à vous faire manger, mais à causer avec vous sans être dérangée, et à ces heures-là je suis libre. Voulez-vous venir demain ou après-demain ? Je serai bien aise que vous me fassiez toutes vos objections contre Lélia, et je suis bien contrariée que les fautes signalées dans votre lettre soient sur les bonnes pages (style d’imprimeur). Si je vous lisais le manuscrit, il y aurait au moins du remède pour l’avenir. Mais vous me traitez beaucoup trop bien. J’ai peur de votre admiration, parce qu’on dit que c’est chez vous une disposition généreuse de l’âme ; mais la raison reprend, dit-on, ses droits un peu plus tard. Je voudrais pourtant bien me tenir à la place où vous m’avez mise d’abord ; je la trouve fièrement belle.

« J’ai vu le docteur Louis. C’est un bien grand homme. Il m’a recommandé de me distraire, d’éloigner toute cause de chagrin, d’éviter toute contrariété, de prendre l’air, de tâcher d’avoir de l’appétit, enfin de faire tous mes efforts pour me bien porter.

« Je vous en souhaite autant, mon ami, et vous recommande d’être heureux le plus possible.

« George S. »
« Vendredi. »


« (11 mai 1833.) Mon ami, vous êtes venu et j’étais sortie. Quand vous reviendrez, tâchez que ce soit le matin, de midi à deux ou trois heures. Je suis restée hier au gîte, espérant que vous viendriez. Comment êtes-vous ? Vous m’avez écrit une lettre un peu folle, à moi qui suis devenue excessivement grave. C’est à