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Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/71

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CHATEAUBRIAND.

larité et de discipline ; Rome était saisie de l’affaire et paraissait, selon son usage, plus favorable à la chose établie qu’à l’innovation, même quand cette innovation pouvait n’être dite qu’un retour. Rancé partit donc pour Rome (1664) avec un collègue qu’on lui donna, l’abbé du Val-Richer ; il vit le pape, il sollicita les cardinaux ; il sut dans cette vie si nouvelle conserver et aguerrir son austérité des dernières années, tout en retrouvant ses grâces polies et quelques-unes de ses adresses d’autrefois. À un certain moment, comme il jugea l’affaire perdue, il se crut inutile, et, laissant le reste de la conclusion à son confrère, il s’échappa dans l’impatience de retrouver sa chère solitude. Arrivé à Lyon, il y fut atteint par des lettres de Rome et de Paris qui le blâmaient également de sa précipitation. À Rome, on avait appelé cette fuite une furie française. Rancé, fidèle au principe d’obéissance, repartit sans murmurer de Lyon pour Rome, y reprit la négociation sans espoir, y subit jusqu’au bout toutes les lenteurs, et ne revint qu’après le procès perdu, ayant bien mérité, encore une fois, son désert. Il y remit le pied le 10 mai 1666, et ne s’appliqua plus qu’à embrasser pour lui et pour les siens la vraie pratique de cette pénitence sur laquelle on disputait ailleurs. — Le biographe de Rancé n’a pu s’empêcher de rappeler, à propos de ce voyage de Rome et de ce procès perdu, un autre voyage et une autre condamnation qui ont eu bien du retentissement de nos jours ; mais les moments, les situations, les intentions, diffèrent autant des deux parts que la conduite qui a suivi. Je ne vou-