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CHATEAUBRIAND.

pour mon Port-Royal, et j’en pris occasion de dire de lui bien des choses que M. de Chateaubriand affaibli avait oubliées ou méconnues. Il fut le premier à le sentir et à m’en remercier dans une lettre, la dernière que j’aie reçue de lui et que je ne retrouve pas sous ma main ; mais j’en retrouve une autre un peu antérieure et qui se rapporte au temps où je préparais la notice à mettre en tête des œuvres de Fontanes :

« 4 octobre 1838.

« La lettre copiée, monsieur, était devant moi avec un mot d’explication. Je vous demande mille pardons d’avoir oublié de vous la

    ment avec discrétion ce sentiment de regret qu’ont éprouvé les personnes sérieuses. Nous remarquons dans l’article de M. Sainte-Beuve (Revue des Deux Mondes du 15 mai) ce passage de Bossuet qui indique les conditions à remplir dans une biographie de Rancé, du fondateur de la Trappe : « Je dirai mon sentiment… » (Voir précédemment, pour la citation, page 68 ; et la Chronique suisse continuait en disant :) « Ce n’est ni aux bénédictins, ni même aux jésuites qu’on songe à plaire de nos jours, mais à flatter Mme Sand, à ne pas choquer M. de La Mennais, à chatouiller M. de Béranger, leurs noms et leurs doctrines, et de là une dégradation véritable du sujet. Au reste c’est un trait honorable pour la presse en France, que le ton respectueux et l’absence de critique au sujet de Chateaubriand. Le respect est devenu chose si rare, qu’il ne faut pas le blâmer quand par hasard il se rencontre. « Pour nous qui y sommes moins obligés, grâce à notre éloignement, nous dirons franchement que ce livre, que l’on concevait si simple et si austère, est devenu, par manque de sérieux et par négligence, un véritable bric-à-brac ; l’auteur jette tout, brouille tout, et vide toutes ses armoires. « Les images les plus riantes, les plus folâtres, viennent à tout moment et se lèvent à tous les coins, derrière chaque pilier du cloître, ce qui faisait dire l’autre jour à un plaisant que c’était une vraie tentation de saint Antoine, tant il y a de diables et de jolis diables. Il semble par endroits que la Trappe ait des jours sur les coulisses de l’Opéra. — Mais le respect aussi nous interdit d’en dire davantage. »