Aller au contenu

Page:Sainte-Beuve - Portraits de femmes, nouv. éd.djvu/268

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
Cette page n’a pas encore été corrigée


238 PORTRAITS DE FEMMES.

« lui plut d’une autre manière, je crois aussi qu’elle pensa « qu’il ne lui plaisoit que comme un beau-frère, quoiqu’il « lui plût peut-être davantage ; mais enfin, comme ils étoient « tous deux infiniment aimables, et tous deux nés avec des « dispositions galantes, qu’ils se voyoient tous les jours au « milieu des plaisirs et des divertissements, il parut aux « yeux de tout le monde qu’ils avoient l’un pour l’autre cet « agrément qui précède d’ordinaire les grandes passions. » Madame mourut dans les bras de Mme de La Fayette, qui ne la quitta pas à ses derniers moments. Le récit qu’elle a fait de cette mort égale les beaux récits qu’on a des morts les plus touchantes ; il s’y trouve en chemin de ces mots simples et qui éclairent toute une scène : « ... Je montai « chez elle. Elle me dit qu’elle étoit chagrine, et la mauvaise humeur dont elle parloit auroit fait les belles heures des autres femmes, tant elle avoit de douceur naturelle et tant elle étoit peu capable d’aigreur et de colère... «Après le dîner, elle se coucha sur des carreaux... ; elle « m’avoit fait mettre auprès d’elle, en sorte que sa tête étoit « quasi sur moi... Pendant son sommeil elle changea si considérablement, qu’après l’avoir longtemps regardée j’en « fus surprise, et je pensois qu’il falloit que son esprit contribuât fort à parer son visage... J’avois tort néanmoins de « faire cette réflexion, car je l’avois vue dormir plusieurs « fois, et je ne l’avois pas vue moins aimable. » Et plus loin : « Monsieur étoit devant son lit ; elle l’embrassa, et lui « dit avec une douceur et un air capable d’attendrir les « cœurs les plus barbares : Hélas ! Monsieur, vous ne m’aimez plus, il y a longtemps : mais cela est injuste ; je ne « vous ai jamais manqué. — Monsieur parut fort touché, et « tout ce qui étoit dans la chambre l’étoit tellement, qu’on « n’entendoit plus que le bruit que font des personnes qui « pleurent... Lorsque le roi fut sorti de la chambre, j’étois « auprès de son lit ; elle me dit : Mme de La Fayette, mon nez « s’est déjà retiré. Je ne lui répondis qu’avec des larmes...