Le procédé continu d’analyse dont Racine fait usage, l’élégance merveilleuse dont il revêt ses pensées, l’allure un peu solennelle et arrondie de sa phrase, la mélodie cadencée de ses vers, tout contribue à rendre son style tout à fait distinct de la plupart des styles franchement et purement dramatiques. Talma, qui, dans ses dernières années, en était venu à donner à ses rôles, surtout à ceux que lui fournissait Corneille, une simplicité d’action, une familiarité saisissante et sublime, l’aurait vainement essayé pour les héros de Racine ; il eût même été coupable de briser la déclamation soutenue de leur discours, et de ramener à la causerie ce beau vers un peu chanté. Est-ce à dire pourtant que le caractère dramatique manque entièrement à cette manière de faire parler des personnages ? Loin de notre pensée un tel blasphème ! Le style de Racine convient à ravir au genre de drame qu’il exprime, et nous offre un composé parfait des mêmes qualités heureuses. Tout s’y tient avec art, rien n’y jure et ne sort du ton ; dans cet idéal complet de délicatesse et de grâce, Monime, en vérité, aurait bien tort de parler autrement. C’est une conversation douce et choisie, d’un charme croissant, une confidence pénétrante et pleine d’émotion, comme on se
- ↑ Euripide d’ailleurs ne s’était pas fait faute, on le voit, de quelques anachronismes de mœurs et de moyens. On n’écrivait pas de lettres au siège de Troie ; il n’est jamais question d’écriture dans Homère ; mais les Grecs songeaient plus aux convenances dramatiques qu’à l’exactitude historique.