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d’en revenir à de plus riantes ébauches, et de m’ébattre avec lui, avec le lecteur, comme par le passé, dans sa renommée gracieuse.

Les petits dossiers restants, qui comprennent des plans et des esquisses d’idylles ou d’élégies, pourraient fournir matière à un triage complet ; j’y ai glané rapidement, mais non sans fruit. Ce qu’on y gagne surtout, c’est de ne conserver aucun doute sur la manière de travailler d’André ; c’est d’assister à la suite de ses projets, de ses lectures, et de saisir les moindres fils de la riche trame qu’en tous sens il préparait. Il voulait introduire le génie antique, le génie grec, dans la poésie française, sur des idées ou des sentiments modernes : tel fut son vœu constant, son but réfléchi ; tout l’atteste. Je veux qu’on imite les anciens, a-t-il écrit en tête d’un petit fragment du poème d’Oppien sur la Chasse[1] ; il ne fait pas autre chose ; il se reprend aux anciens de plus haut qu’on n’avait fait sous Racine et Boileau ; il y revient comme un jet d’eau à sa source, et par delà le Louis XIV : sans trop s’en douter, et avec plus de goût, il tente de nouveau l’œuvre de Ronsard[2]. Les Analecta de Brunck, qui avaient paru en 1776, et qui contiennent toute la fleur grecque en ce qu’elle a d’exquis, de simple, même de mignard ou de sauvage, devinrent la lecture la plus habituelle d’André ; c’était son livre de chevet et son bréviaire. C’est de là qu’il a tiré sa jolie épigramme traduite d’Évenus de Paros :

Fille de Pandion, ô jeune Athénienne, etc.[3] ;

et cette autre épigramme d’Anyté :

Ô Sauterelle, à toi, rossignol des fougères, etc.[4],

  1. Édition de 1833, tome II, page 319.
  2. M. Patin, dans sa leçon d’ouverture publiée le 16 décembre 1838 (Revue de Paris), a rapproché exactement la tentative de Chénier de l’œuvre d’Horace chez les Latins.
  3. Édition de 1833, tome II, page 344.
  4. Ibid., page 344.