Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t1, nouv. éd.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
expression : j’en pourrai faire un QUADRO ; cela paraît vouloir dire un petit tableau peint ; car il était peintre aussi, comme il nous l’a appris dans une élégie :

Tantôt de mon pinceau les timides essais
Avec d’autres couleurs cherchent d’autres succès.

Et quel plus charmant motif de tableau que cet enfant nu, sous l’ombrage, au bord d’une mer étincelante, et les dauphins arrivant aux sons de sa double flûte divine ! En l’indiquant, j’y vois comme un défi que quelqu’un de nos jeunes peintres relèvera[1].

Ailleurs, ce n’est plus le gracieux enfant, c’est Andromède exposée au bord des flots, qui appelle la muse d’André : il cite et transcrit les admirables vers de Manilius à ce sujet, au ve livre des Astronomiques ; ce supplice d’où la grâce et la pudeur n’ont pas disparu, ce charmant visage confus, allant chercher une blanche épaule qui le dérobe :

Supplicia ipsa decent ; nivea cervice reclinis
Molliter ipsa suae custos est sola figurae.
Defluxere sinus humeris, fugitque lacertos
Vestis, et effusi scopulis lusere capilli.
Te circum alcyones pennis planxere volantes, etc.

André remarque que c’est en racontant l’histoire d’Andromède à la troisième personne que le poëte lui adresse brusquement ces vers : Te circum, etc., sans la nommer en aucune façon. « C’est tout cela, ajoute-t-il, qu’il faut imiter. Le traducteur met les alcyons volants autour de vous, infortunée Princesse. Cela ôte de la grâce. » Je ne crois pas abuser du lecteur en l’initiant ainsi à la rhétorique secrète d’André[2].

  1. Peut-être aussi le poëte n’emploie-t-il, en certains cas, cette expression de Quadro que métaphoriquement et par allusion à son petit cadre poétique.
  2. Il disait encore dans ce même exquis sentiment de la diction poétique : « La huitième épigramme de Théocrite est belle (Épitaphe de Cléonice) ; elle finit ainsi : Malheureux Cléonice, sous le propre