Au sein de cette future édition difficile, mais possible, d’André Chénier, on trouverait moyen de retoucher avec nouveauté les profils un peu évanouis de tant de poëtes antiques ; on ferait passer devant soi toutes les fines questions de la poétique française ; on les agiterait à loisir. Il y aurait là, peut-être, une gloire de commentateur à saisir encore ; on ferait son œuvre et son nom, à bord d’un autre, à bord d’un charmant navire d’ivoire. J’indique, je sens cela, et je passe. Apercevoir, deviner une fleur ou un fruit derrière la haie qu’on ne franchira pas, c’est là le train de la vie. Ai-je trop présumé pourtant, en un moment de grandes querelles politiques et de formidables assauts, à ce qu’on assure[1], de croire intéresser le monde avec ces débris de
- ↑ C’était le moment de ce qu’on a appelé la Coalition, dans laquelle les gagnants de Juillet, sous prétexte qu’on n’avait pas le vrai gouvernement parlementaire, s’étaient mis à assiéger le ministère et
Sur leurs bases d’argent, des formes animées
Élèvent dans leurs mains des torches enflammées…
Si non aurea sunt juvenum simulacra per aedes
Lampedas igniferas manibus retinentia dextris.
Mais ce Lucrèce n’est lui-même ici qu’un écho, un reflet magnifique d’Homère (Odyssée, liv. VII, vers 100). André les avait tous présents à la fois. — Jusque dans les endroits où l’imitation semble le mieux couverte, on arrive à soupçonner le larcin de Prométhée. L’humble Phèdre a dit :
Fons prima multos : rara mens intelligit
Quod interiore condidit cura angulo ;
Qui, fouillant des objets les plus sombres retraites,
Étale et fait briller leurs richesses secrètes.