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dit en quatre vers, que je veux bien vous écrire ici, afin que vous me mandiez si vous les approuvez :

Mais aujourd’hui qu’enfin la vieillesse venue,
Sous mes faux cheveux blonds déjà toute chenue,
A jeté sur ma tête avec ses doigts pesants
Onze lustres complets surchargés de deux ans.

« Il me semble que la perruque est assez heureusement frondée dans ces vers. » Cela rappelle cette autre hardiesse avec laquelle dans l’Ode à Namur, Boileau parle de la plume blanche que le roi a sur son chapeau[1]. En général, Boileau, en écrivant, attachait trop de prix aux petites choses : sa théorie du style, celle de Racine lui-même, n’était guère supérieure aux idées que professait le bon Rollin. « On ne m’a pas fort accablé d’éloges sur le sonnet de ma parente, écrit Boileau à Brossette ; cependant, monsieur, oserai-je vous dire que c’est une des choses de ma façon dont je m’applaudis le plus, et que je ne crois pas avoir rien dit de plus gracieux que :
À ses jeux innocents enfant associé,

et

Rompit de ses beaux jours le fil trop délié,

et

Fut le premier démon qui m’inspira des vers.
« C’est à vous à en juger. » Nous estimons ces vers fort bons sans doute, mais non pas si merveilleux que Boileau semble le croire. Dans une lettre à Brossette, on lit encore ce curieux
  1. « Il ne s’est jamais vanté, comme il est dit dans le Bolœana, d’avoir le premier parlé en vers de notre artillerie, et son dernier commentateur prend une peine fort inutile en rappelant plusieurs vers d’anciens poëtes pour prouver le contraire. La gloire d’avoir parlé le premier du fusil et du canon n’est pas grande. Il se vantoit d’en avoir le premier parlé poétiquement, et par de nobles périphrases. » (Racine fils, Mémoires sur la vie de son père.)