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propriétés des corps une multitude de rapprochements qu’on n’avait point faits ; il expliquait des phénomènes encore sans lien, et la plupart de ces rapprochements et de ces explications ont été vérifiés depuis par les expériences. La classification elle-même a été admise par M. Chevreul dans le Dictionnaire des Sciences naturelles, et elle a servi de base à celle qu’a adoptée M. Beudant dans son Traité de Minéralogie. Toujours éclairé par la théorie, il lisait à l’Académie des Sciences, peu après sa réception, un mémoire sur la double réfraction, où il donnait la loi qu’elle suit dans les cristaux, avant que l’expérience eût fait connaître qu’il en existe de tels[1]. En 1824, le travail de M. Geoffroy Saint-Hilaire sur la présence et la transformation de la vertèbre dans les insectes attira la sagacité, toujours prête, de M. Ampère, et lui fit ajouter à ce sujet une foule de raisons et d’analogies curieuses, qui se trouvent consignées au tome second des Annales des Sciences naturelles[2]. Lorsque M. Ampère reproduisit cette vue en 1832, à son cours du Collége de France, M. Cuvier, contraire en général à cette manière raisonneuse d’envisager l’organisation, combattit au même Collége, dans sa chaire voisine, le collègue qui faisait incursion au cœur de son domaine ; il le combattit avec ce ton excellent de discussion, que M. Ampère, en répondant, gardait de même, et auquel il ajoutait de plus une expression de respect, comme s’il eût été quelqu’un de moindre : noble contradiction de vues, ou plutôt noble échange, auquel nous avons assisté, entre deux grandes lumières trop tôt disparues ! Si une observation de M. Geoffroy Saint-Hilaire avait suggéré à M. Ampère ses vues sur l’orga-

  1. Nous noterons encore, pour compléter ces indications de travaux, un Mémoire sur la loi de Mariotte, imprimé en 1814 ; un Mémoire sur des propriétés nouvelles des axes de rotation des corps, imprimé dans le Recueil de l’Académie des Sciences ; un autre sur les équations générales du mouvement, dans le Journal de Mathématiques de M. Liouville (juin 1836).
  2. Annales des Sciences naturelles, t. II, page 295. M. N… n’est autre que M. Ampère.