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LA FONTAINE


Dans ces rapides essais, par lesquels nous tâchons de ramener l’attention de nos lecteurs et la nôtre à des souvenirs pacifiques de littérature et de poésie, nous ne nous sommes nullement imposé la loi, comme certaines gens peu charitables ou mal instruits voudraient le faire croire, de mettre en avant à toute force des idées soi-disant nouvelles, de contrarier sans relâche les opinions reçues, de réformer, de casser les jugements consacrés, d’exhumer coup sur coup des réputations et d’en démolir. En supposant qu’un tel rôle convînt jamais à quelqu’un, qui serions-nous, bon Dieu ! pour l’entreprendre ?  Le nôtre est plus simple : nous avons quelques principes d’art et de critique littéraire, que nous essayons d’appliquer, sans violence toutefois et à l’amiable, aux auteurs illustres des deux siècles précédents. D’ailleurs, l’impression qu’une dernière et plus fraîche lecture a laissée en nous, impression pure, franche, aussi prompte et naïve que possible, voilà surtout ce qui décide du ton et de la couleur de notre causerie ; voilà ce qui nous a poussé à la sévérité contre Jean-Baptiste, à l’estime pour Boileau, à l’admiration pour madame de Sévigné, Mathurin Régnier et d’autres encore ; aujourd’hui, c’est le tour de La Fontaine[1]. En revenant sur lui après

  1. Dans l’ordre premier où parurent successivement plusieurs de ces articles en 1829, ceux de J.-B. Rousseau et de Régnier avaient