Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t2, nouv. éd.djvu/113

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le catholicisme des saint Basile, des saint François d’Assise, des saint François de Sales, des Fénelon ; un protestantisme et un luthéranisme modérés, que les idées de malédiction sur le monde ne préoccupent pas trop ; ce sont là des doctrines toutes, à certain degré, favorables au sentiment profond et aimable qu’inspire la nature, et aux tableaux qu’on en peut faire. Comme les peintures qu’on a données de ce genre de beautés naturelles n’ont commencé que tard dans notre littérature ; comme avant Jean-Jacques, Buffon et Bernardin de Saint-Pierre, on n’en trouve que des éclairs et des traits épars, sans ensemble, il faut bien que la tournure générale des idées et des croyances y ait influé. Dans nos vieux poètes, nos romanciers et nos trouvères, le sentiment du printemps, du renouveau, est toujours très-vif, très-frais, très-abondamment et très-joliment exprimé. Un chevalier ou une demoiselle ne traversent jamais une forêt que les oiseaux n’y gazouillent à ravir, et que la verdure n’y brille de toutes les grâces de mai. Les bons trouvères ne tarissent pas là-dessus. Lancelot, selon eux, portait en tout temps, hiver et été, sur la tête, un chapelet de roses fraîches, excepté le vendredi et les vigiles des grandes fêtes. Ceux qui traitent de sujets plus religieux, et des miracles de la Vierge en particulier, redoublent d’images gracieuses et odorantes. Le culte de la Vierge, au Moyen-Age, on l’a remarqué, attendrit singulièrement et fleurit, en quelque sorte, le catholicisme. Toutes les fois qu’on vient à toucher cette tige de Jessé, comme ils l’appellent, il s’en exhale poésie et parfum. Ce catholicisme fleuri, qui a chez nous, au Moyen-Age, un remarquable interprète en Gautier de Coinsi, se retrouve dans toute son efflorescence et son épanouissement chez Calderon. Calderon a de la nature un sentiment mystique, mais enchanteur et enivrant ; c’est chez lui qu’a lieu ce combat merveilleux, cette joute des roses du jardin et de l’écume des flots.

De tableau général, de peinture et de vue d’ensemble, il n’en faut pas demander à nos bons aïeux. Ils ont ces inter-