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Il[1] vous dira pourquoi, d’un crêpe enveloppée,
Par l’ombre de la terre elle pâlit frappée.

En terminant cet Essai qui est devenu un chant ou du moins un tableau, le poëte invite de plus hardis que lui à l’étude entière et à la célébration de la nature et des cieux : il se rappelle tout bas ce que Virgile se disait au début du troisième livre des Géorgiques :

Omnia jam vulgala : quis aut Eurysthea durum,
Aut illaudati nescit Busiridis aras ?
Cui non dictus Hylas puer ?..................
..........................................................
...... Tentanda via est, qua me quoque possim
Tollere humo, victorque virûm volitare per ora.

Faut-il offrir toujours, sur la scène épuisée,
Des tragiques douleurs la pompe trop usée ?
Des sentiers moins battus s’ouvrent devant nos pas.

[2]Mais nul poëte depuis n’a tenté ces hauts sentiers, et les descriptifs moins que les autres. Cet Essai sur l’Astronomie, qui n’a pas été classé jusqu’ici comme il le mérite, pourrait presque sembler, par sa juste et belle austérité, une critique en exemple, une contre-partie et un contre-poids que Fon-
  1. Cassini.
  2. On pourrait aussi croire que le poëte s’est ressouvenu de Manilius, qui exprime la même pensée en maint endroit de son poëme des Astronomiques, et s’y complaît particulièrement au début du livre II. Après avoir énuméré les différents genres de poésie, ce successeur, souvent rival, de Lucrèce, ajoute :

    Omne genus rerum doctae cecinere Sorores :
    Omnis ad accessus Heliconis sernita trita est,
    Et jam confusi manant de fontibus amnes,
    Nec capiunt haustum turbamque ad nota ruentem :
    Integra quaeramus rorantes prata per herbas.

    Pourtant Fontanes semble s’être tenu uniquement à Virgile, à Lucrèce, et n’avoir pas assez pris en considération le poëme de Manilius, duquel il eût pu s’inspirer pour agrandir et féconder son Essai. Une