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et son Jour des Morts étaient bien des élégies contemporaines des Études de la Nature. Arrivé à trente-cinq ans, et songeant à se recueillir enfin dans une œuvre, Fontanes se disait sans doute un peu pour lui-même ce qu’il écrivait à l’abbé Barthélémy :

 
Tandis que le troupeau des écrivains vulgaires
Se fatigue à chercher des succès éphémères,
Se fatiEt, dans sa folle ambition,
Prête une oreille avide à tous les vents contraires
Se fatiDe l’inconstante opinion,
Le grand homme, puisant aux sources étrangères,
Trente ans médite en paix ses travaux solitaires ;
Au pied du monument qu’il fut lent à finir
Il se repose enfin, sans voir ses adversaires,
Se fatiEt l’œil fixé sur l’avenir.

Mais, au moment où il reportait son regard vers l’idéal avenir, les orages s’amoncelaient et ne laissaient plus d’horizon. Fontanes se maria à Lyon en 92. Cette union, dans laquelle il devait constamment trouver tant de vertu, de dévouement et de mérite, fut presque aussitôt entourée des plus affreuses images. Le siège de Lyon commença. Madame de Fontanes accoucha de son premier enfant dans une grange, au moment où elle fuyait les horreurs de l’incendie. Les bombes des assiégeants tombaient souvent près du berceau, que le père dut plus d’une fois changer de place. Il revint à Paris en novembre 93, pour y vivre oublié, lorsque les députés de Lyon, de Commune-Affranchie, chargés de dénoncer à la Convention de Robespierre les horreurs de Collot-d’Herbois et de Fouché, qui avait fait regretter Couthon, lui vinrent demander d’écrire leur discours. Il l’écrivit dans la matinée du 20 décembre ; le brave Changeux le lut le jour même à la barre, d’une voix sonore[1].

  1. Un premier incident d’étiquette signala leur présence au sein de la Convention : dans le Moniteur du 2 nivôse an II, qui rend