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Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t2, nouv. éd.djvu/290

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L’Illusion enchanteresse
M’égare encor dans tes bosquets ;
Pourquoi rougir de mon ivresse ?
Jadis les Sages de la Grèce
T’ont fait asseoir à leurs banquets.

Aux graves modes de ma lyre
Mêle des tons moins sérieux ;
Phébus chante, et le Ciel admire ;
Mais, si tu daignes lui sourire,
Il s’attendrit et chante mieux.

Inspire-moi ces vers qu’on aime,
Qui, tels que toi, plaisent toujours ;
Répands-y le charme suprême
Et des plaisirs, et des maux même,
Que je t’ai dus dans mes beaux jours.

Ainsi, quand d’une fleur nouvelle,
Vers le soir, l’éclat s’est flétri,
Les airs parfumés autour d’elle
Indiquent la place fidèle
Où le matin elle a fleuri.

Nous saisissons sur le fait la contradiction naïve chez Fontanes : le lendemain de cette ode toute grecque, il retrouvait les tons chrétiens les plus sérieux, les mieux sentis, en déplorant avec M. de Bonald la Société sans Religion[1]. Je l’ai dit, l’épicurien dans le poëte était tout à côté du chrétien, et cela si naturellement, si bonnement ! il y a en lui du La Fontaine. Ce cabinet favori nous représente bien sa double vue d’imagination : tout près le buste de Vénus, là-bas les clochers de Saint-Denis !

Ce parfum de simplicité grecque, cet extrait de grâce, antique, qu’on respire dans quelques petites odes de Fontanes,

  1. Cette belle ode, dans l’intention du poëte, devait être, en effet, dédiée à l’illustre penseur.