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Et le théologien vieilli, en les relisant avec pleurs, regrettait aussi, je le crains, la Déesse aux douces amertumes :

… … Non est Dea nescia nostri
Quae dulcem curis miscet amaritiem ;

ce qui revient à l’ode de Fontanes :

Répands-y le charme suprême
Et des plaisirs, et des maux même,
Que je t’ai dus dans mes beaux jours.

Mais c’est bien assez pousser ce parallèle pour ceux qui ont un peu oublié Du Perron. Pour ceux qui s’en souviendraient trop, ne fermons pas sans rompre. Le Courbevoie de Fontanes se décorait de décence, s’ennoblissait par un certain air de voisinage avec le séjour de Rollin, par un certain culte purifiant des hôtes de Bâville, de Vignai et de Fresne.

Plus loin encore que Du Perron, et à l’extrémité de notre horizon littéraire, je ne fais qu’indiquer comme analogue de Fontanes pour cette manière de rôle intermédiaire, Mellin de Saint-Gelais, élégant et sobre poète, armé de goût, qui, le dernier de l’école de Marot, sut se faire respecter de celle de Ronsard, et se maintint dans un fort grand état de considération à la cour de Henri II.

M. Villemain, d’abord disciple de M. de Fontanes dans la critique qu’il devait bientôt rajeunir et renouveler, l’allait visiter quelquefois dans ces années 1812 et 1813. La chute désormais trop évidente de l’Empire, l’incertitude de ce qui suivrait, redoublaient dans l’âme de M. de Fontanes les tristesses et les rêveries du déclin :

Majoresque cadunt altis de montibus umbrae.

Sous le lent nuage sombre, l’entretien délicat et vif n’était que plus doux. M. de Fontanes avait souvent passé sa journée à relire quelque beau passage de Lucrèce et de Virgile ; à noter sur les pages blanches intercalées dans chacun de ses volumes