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Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t2, nouv. éd.djvu/336

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courtes, dans les simples églogues et idylles proprement dites, qui, d’ailleurs, permettent bien moins de laisser entrevoir le revers de la destinée et de diversifier les couleurs ; mais Théocrite bien souvent, et Goldsmith une fois, y ont réussi. Léonard, s’il ne vient que très-loin après eux pour l’originalité du cadre et de la pensée, pour la vigueur et la nouveauté du pinceau, a su du moins conserver du charme par le naturel.

Né sous le ciel des tropiques, au sein d’une nature à part, dont il ne cessa de se ressouvenir avec amour, il ne semble jamais avoir songé à ce que le hasard heureux de cette condition pouvait lui procurer de traits singuliers et nouveaux dans la peinture de ses paysages, dans la décoration de ses scènes champêtres. Parny lui-même et Bertin, en leurs élégies, n’ont guère songé à retremper aux horizons de l’Ile-de-France les descriptions trop affadies de Paphos et de Cythère. En son poëme des Saisons, au chant de l’Été, Léonard disait :

Quels beaux jours j’ai goûtés sur vos rives lointaines,
Lieux chéris que mon cœur ne saurait oublier !
Antille merveilleuse, où le baume des plaines
Va jusqu’au sein des mers saisir le nautonier !
Ramène-moi, Pomone, à ces douces contrées…

Toujours Pomone. Et plus loin, en des vers d’ailleurs bien élégants, le poëte ajoute :

Mais ces riches climats fleurissent en silence ;
Jamais un chantre ailé n’y porte sa cadence :
Ils n’ont point Philomèle et ses accents si doux,
Qui des plaisirs du soir rendent le jour jaloux.
Autour de ces rochers où les vents sont en guerre,
Le terrible Typhon a posé son tonnerre…

Passe pour Philomèle. On peut la rappeler pour dire avec regret que ces printemps éternels ne l’ont pas. Mais s’il s’agit de ces ouragans que rien n’égale, pourquoi ne pas laisser le vieux Typhon sous son Etna ? C’est la gloire propre de Bernar-