JOSEPH DE MAISTRE
En tardant si longtemps, depuis la première promesse que nous en avions faite[1], à venir parler de cet homme célèbre, de ce grand théoricien théocratique, il semble que, sans l’avoir cherché, nous ayons aujourd’hui rencontré une occasion de circonstance et presque un à-propos. Les Discussions religieuses, qui font ce qu’elles peuvent pour se réveiller autour de nous, viennent rendre ou prêter à tout ce qui concerne le comte de Maistre une sorte d’intérêt présent que ce nom si à part et orgueilleusement solitaire n’a jamais connu, et dont il peut, certes, se passer. Pour nous, nous n’essayerons pas de le mêler plus qu’il ne convient à ces querelles, qu’il surmonte de toute la hauteur de sa venue précoce et de son génie. Nous l’étudierons d’abord en lui-même, nous y reconnaîtrons et nous y suivrons de près l’homme antique, immuable, à certains égards prophétique, le grand homme de bien qui a senti le premier et proclamé avec une incomparable énergie ce qui allait si fort manquer aux sociétés modernes en cette crise de régénération universelle. En le prenant dès
- ↑ Voir l’étude sur le comte Xavier de Maistre, insérée dans la Revue des deux Mondes, numéro du 1er mai 1839 ; on ne l’a pas mise dans ce volume, d’après la règle qu’on s’est posée de n’y pas faire entrer de vivants. – (Cette étude sur le comte Xavier est entrée depuis dans le tome II des Portraits contemporains, 1846.)