La seconde Fronde vint renverser encore une fois la fortune de Naudé et lui porter au cœur le coup le plus sensible, celui qu’un père eût éprouvé de la perte d’une fille unique, déjà nubile et passionnément chérie. L’arrêt du parlement de Paris qui ordonnait la vente de la bibliothèque du cardinal lui arracha un cri de douleur et presque d’éloquence. Dans un Advis imprimé (1651) à l’adresse de nos Seigneurs du Parlement, il exhale les sentiments dont il est plein : « ..... Et pour moi qui la chérissois comme l’oeuvre de mes mains et le miracle de ma vie, je vous avoue ingénuement que, depuis ce coup de foudre lancé du ciel de votre justice sur une pièce si rare, si belle et si excellente, et que j’avois par mes veilles et mes labeurs réduite à une telle perfection que l’on ne pouvoit pas moralement en désirer une plus grande, j’ai été tellement interdit et étonné, que si la même cause qui fit parler autrefois le fils de Crésus, quoique muet de sa nature, ne me délioit maintenant la langue pour jeter ces derniers accents au trépas de cette mienne fille, comme celui-là faisoit au dangereux état où se trouvoit son père, je serois demeuré muet éternellement. Et, en effet, messieurs, comme ce bon fils sauva la vie à son père en le faisant connoitre pour ce qu’il étoit, pourquoi ne puis-je pas me promettre que votre bienveillance et votre justice ordinaire sauveront la vie a cette fille, ou, pour mieux dire, à cette fameuse bibliothèque, quand je vous aurai dit, pour vous représenter en peu de mots l’abrégé de ses perfections, que c’est la plus belle et la mieux fournie de toutes les bibliothèques qui ont jamais été au monde et qui pourront, si l’affection ne me trompe bien fort, y être à l’avenir. » – Et il finit en répétant les vers attribués à Auguste, lorsque celui-ci décida de casser le testament de Virgile plutôt que d’anéantir l’Enéide :
.... Frangatur potius legum veneranda potestas
Quam tot congestos noctesque diesque labores
Hauserit una dies, supremaque jussa Senatus !