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Quelques mots sur moi-même



Je mets de mes pensées où je puis, et à chaque édition nouvelle d’un ouvrage j’en profite comme d’un convoi qui part pour envoyer au public, à mes amis et même à mes ennemis (dussent-ils se servir de cette clé comme d’une arme, selon leur usage) quelques mots qu’il m’importe de dire sur moi-même et sur ce que j’écris. Voici une de ces remarques qui porte sur l’ensemble de mon œuvre critique :

« J’ai beaucoup écrit, on écrira sur moi, on fera ma biographie, et les critiques chercheront à se rendre compte de mes ouvrages fort différents ; je veux leur épargner une partie de la peine et leur abréger la besogne, en expliquant ma vie littéraire telle que je l’ai entendue et pratiquée.

J’ai mené assez volontiers ma vie littéraire avec ensemble et activité, selon le terrain et l’heure, avec tactique en un mot, comme on fait pour la guerre, et je la divise en campagnes. – Je ne parle ici que de ma critique.

De 1824 à 1827, au Globe ; ce ne sont que des essais sans importance : je ne suis pas encore officier supérieur, j’apprends mon métier.

En 1828, j’entame ma première campagne, toute romantique, par mon Ronsard et mon Tableau du seizième Siècle.

En 1829, je fais ma campagne critique à la Revue de Paris ; toute romantique également.

En 1831, et pendant près de dix-sept ans, je fais ma critique de Revue des Deux Mondes, une longue campagne, avec de la polémique de temps en temps et beaucoup de portraits analytiques et descriptifs ; – une guerre savante, manœuvrière, mais un peu neutre, encore plus défensive et conservatrice qu’agressive. (Les Portraits littéraires, pour la plupart, et les Portraits contemporains en sont sortis.)

Cette longue suite d’opérations critiques est coupée par