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parte. Pas l’effet d’une conspiration, mais une conspiration à côté. 5 mars 1815. Je me jette à corps perdu du côté des Bourbons. – Mme Récamier m’y pousse. – Chateaubriand prétendait que tout serait sauvé, si on le faisait ministre de l’intérieur. Sottises des royalistes. Leur refus de rien faire pour regagner l’opinion. Je ne m’obstine que plus à repousser Bonaparte. Mon article du 19 mars. Le roi part le même jour. Bonaparte arrive le soir (20). Je me cache chez le ministre d’Amérique. Je pars pour Nantes avec un consul américain. Troubles de la Vendée. J’apprends à Ancenis que Nantes est aux bonapartistes, et Barante (le préfet) en fuite. Je retourne à Paris, 28 mars. Mme Récamier au milieu de tout cela. Entrevue avec Bonaparte, je crois le 10 avril. Travail à l’Acte additionnel. – Montlosier. Duel. Cour Bonapartiste. Publication de l’Acte additionnel. Mauvais effet sur l’opinion. Révolte universelle de cette opinion. Ma nomination au Conseil d’État, 22 avril. Indignation publique, lettres anonymes, mon entrée au Conseil d’État ; je n’y manque point. Mes entrevues avec l’Empereur. Amour au milieu de tout cela. Départ de l’Empereur pour Waterloo. Défaite. Trahison morale universelle. Abdication. Envoi à Hagueneau. Retour à Paris. Trahisons accumulées de Fouché. Mon inscription sur la liste du 24 juillet. Mémoire rédigé à tout hasard. Radiation de la liste. Dureté et indifférence de Mme Récamier durant cette espèce de persécution. Mon amour persiste. Intimité intermittente. Confidence sur Lucien et sur Auguste, le prince Auguste de Prusse. Je pars pour l’Angleterre par Bruxelles, 31 octobre 1815, etc., etc. »

Et maintenant, quand on publiera les lettres d’amour de Benjamin Constant à Mme Récamier, quand on relira la biographie flatteuse qu’il a tracée d’elle pour lui plaire et la charmer, quand on le verra prodiguer les larmes, les soupirs, faire jouer les feux follets de l’imagination et même les légères vapeurs du mysticisme (car tout est bon pour s’insinuer), on aura le revers ; on saura ce qu’il était avant et après ; avant, tant qu’il eut le désir, et après, quand il eut cessé d’espérer.