une absence, comme quelqu’un qui n’est plus bien sûr de sa voix, il les supplie de lui rappeler ce qu’à son tour il chanta autrefois à ces deux pasteurs ; ce couplet final, dans lequel il proteste ardemment de son intime et véritable amour, le voici :
« La cigale est chère à la cigale, la fourmi à la fourmi, et l’épervier aux éperviers ; mais à moi la Muse et le chant ! Que ma maison tout entière en soit pleine ! car ni le sommeil, ni le printemps dans son apparition soudaine n’est aussi doux, ni les fleurs ne le sont autant aux abeilles qu’à moi les Muses me sont chères. Et ceux qu’elles regardent d’un œil de joie, ceux-là n’ont rien à craindre des breuvages funestes de Circé. » Il semble indiquer par là que c’est un de ces breuvages de passion insensée qui l’a un moment égaré dans l’intervalle, mais qui n’a pas eu puissance de le perdre, parce qu’il possédait le préservatif souverain des Muses. On reconnaît dans ce charmant couplet de Théocrite la note première du Quem tu Melpomene semel d’Horace.
Théocrite serait compté encore parmi les peintres de l’amour, lors même qu’il n’aurait pas composé des pièces destinées uniquement à le célébrer. Il n’est presque aucune de ses idylles qui n’offre des mouvements passionnés, et l’on est forcé d’admirer l’accent de la tendresse là où les objets sont de ceux qu’admettaient si singulièrement les Grecs, qui ne cessent de nous étonner dans l’Alexis de Virgile, et dont la seule idée fuit loin de nous. L’idylle troisième, dans laquelle un chevrier se plaint des rigueurs de la nymphe Amaryllis, et va soupirer, non pas sous le balcon, mais devant la grotte de la cruelle, est d’une grande délicatesse : « Ô gracieuse Amaryllis, pourquoi au bord de cet antre n’avances-tu plus la tête en m’appelant ton cher amour ? Est-ce donc que tu m’as pris en haine ?… Que ne suis-je la bourdonnante abeille ? comme j’irais dans ton antre, me plongeant à travers le lierre et la fou-