il est mieux de parler sérieusement et de reconnaître ce qui est. On ne peut disconvenir en effet que les différences de religion, de climat, d’habitudes sociales, si elles n’ont pas changé le fond de la nature humaine, ont du moins donné à l’amour chez les modernes une tout autre forme que chez les anciens ; et lorsque les peintures que ceux-ci en ont laissées nous apparaissent dans leur nudité énergique et naïve, il y a un certain travail à faire sur soi-même avant de s’y plaire et d’oser admirer. Heureusement ce travail de l’esprit est devenu assez facile à quiconque réfléchit et compare. Hier encore, cet amour d’Antiochus pour Stratonice, qui rebutait si fort La Motte, a été mis en tableau, et représenté physiquement aux yeux par un grand peintre : M. Ingres a su triompher de nos dégoûts. On est très-préparé, en un mot, à ne plus tant s’effaroucher aujourd’hui que du temps de La Motte et de Fontenelle. Sachons bien toutefois qu’en matière de poésie, le goût français, s’il n’y prend garde, est toujours enclin à tenir de ces deux hommes-là plus qu’il ne se l’avoue.
Cela dit par manière de précaution, j’aborderai nettement la Magicienne. Ce n’est pas le moins du monde une courtisane, comme on l’a dit ; ce n’est pas non plus une princesse comme Médée ; la Simétha de Théocrite est une jeune fille de condition moyenne et honnête, qui s’est prise violemment d’amour, qui a fait les avances et qui se voit délaissée de son amant ; elle recourt aux enchantements pour le ramener ; elle y recourt cette fois et sans être pour cela une magicienne de profession. L’idylle ou élégie où elle est en scène se compose de deux parties distinctes : dans la première, elle prépare et opère le sacrifice magique dans lequel elle immole symboliquement son infidèle pour tâcher de le ressaisir. Nulle part on n’a sous les yeux d’une manière plus sensible et plus détaillée la liturgie du genre et les différents temps de cette sorte de sacrifice : le rituel magique est de point en point observé. Virgile a imité cette première