Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t3, nouv. éd.djvu/69

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val en la rue Saint-Jean-de-Beauvais jusqu’à l’imprimerie de Robert Estienne, et là attendre sans impatience que le maître ait achevé de corriger l’épreuve, cette chose avant tout pressante et sacrée. Bien des erreurs et des rigueurs suivirent sans doute de si favorables commencements et compromirent les destinées finales du règne ; mais l’élan, une fois donné, suffisait à produire de merveilleux effets ; les semences jetées au vent pénétrèrent et firent leur chemin en mille sens dans les esprits ; la politesse greffée sur la science s’essaya, et l’on en eut, sous cette race des Valois, une première fleur. Voilà de quoi excuser d’avance bien des mauvais vers, si nous en rencontrons chez le roi poëte ; et, comme circonstance atténuante, il convient de noter aussi qu’un grand nombre furent écrits dans les ennuis d’une longue captivité, ce qui, au besoin, les explique et les absout encore. Car que faire en un gîte, à moins que l’on ne songe ? et que devenir dans une prison à moins que d’y soupirer et rimer sa plainte ? Le bon René d’Anjou, captif en sa jeunesse, avait usé ainsi de musique et de vers, en même temps qu’il peignait aux murailles de sa tour diverses sortes de compositions mélancoliques et d’emblèmes. Le grand-oncle de François Ier, Charles d’Orléans, en pareille disgrâce, avait également demandé consolation à la poésie et l’avait fait avec un rare bonheur de talent. Si François Ier fut loin d’y réussir aussi bien, l’idée, l’intention du moins était délicate et noble. En toutes choses, il faut surtout demander à ce prince généreux de nature le premier mouvement et l’intention.

Le recueil des Poésies de François Ier, que vient de publier M. Aimé Champollion, est tiré de trois manuscrits que possède la Bibliothèque du Roi ; l’éditeur en mentionne trois autres qui se trouvent dans le même dépôt, mais qui ne sont que des copies. Un amateur éclairé, M. Cigongne, possède aussi dans sa riche collection un manuscrit qui correspond, pour le contenu, à l’un des trois premiers, et qui paraît en