Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/217

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lâche livrent à chaque instant la porte souterraine par où pénètrent les eaux ?

Vous ne dédaignez pas mon ami, ces explications arrachées au fond même de l'individu, ni les ressorts privés derrière lesquels je vous introduis si avant. Plus je serre de près mon mal et vous l'indique à sa source, plus il y a de chance pour que vous disiez : “ C'est comme cela en moi ”, et que vous preniez coffrage en songeant d'où je suis revenu. Ce n'est pas de la petite morale en vérité (et il n'y en a pas de petite) que je vous fais ici dans cette confession où mon âme exprime votre âme ; c'est de la morale unique, universelle. Après tout, les grands événements du dehors et ce qu'on appelle les intérêts généraux se traduisent en chaque homme et entrent, pour ainsi dire, en lui par des coins qui ont toujours quelque chose de très particulier.

Ceux qui ont l'air de mépriser le plus ces détails et qui parlent magnifiquement au nom de l'humanité entière, consultent, autant que personne, des passions qui ne concernent qu'eux et des mouvements privés qu'ils n'avouent pas. C'est toujours plus ou moins l'ambition de se mettre en tête et de mener, le désir du bruit ou du pouvoir, la satisfaction d'écraser ses adversaires de démentir ses envieux, de tenir jusqu'au bout un rôle applaudi ; si l'on pesait l'amour du seul bien que resterait-il souvent ? Et quant aux résultats qui sortent de mobiles si divers je trouve que les vagues influences sociales ainsi briguées et exercées au hasard doivent trop prêter à des applications téméraires et à de douteuses conséquences :

Cette grande morale aventureuse, qui ne s'arrête pas d'abord à quelque mal causé çà et là, finit-elle nécessairement par quelque bien ? Mais, sans prétendre nier ce qui se rapporte aussi en cette voie à une part de conviction généreuse, sans contester la parole libre et une honnête audace à qui croit avoir une vérité, combien selon moi, le perfectionnement graduel, la