Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/229

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ou des cloîtres, oracles devenus trop rares de la chrétienté éclipsée, le monde d'aujourd'hui est tenté de vous croire étranges et sauvages ; mais, si vous sortez de la grotte, de la cellule où vous dormez, de votre poussière et de votre silence, vous lui dites encore ses secrets et ses ressorts de conduite, à le faire pâlir de surprise ! Et je ne veux pas seulement parler des grands pénitents d'entre vous, des convertis que le monde de leur temps avait d'abord entraînés, mais de ceux qui restaient dès leur jeunesse invariables et simples. Ceux-ci même ont su et scruté sur les passions et leurs mobiles ce qu'après des siècles d'oubli on aperçoit à grand-peine, et ce qu'on imagine récemment découvrir. O vous qui n'avez navigué qu'au port, dites par où saviez-vous l'orage ? C'est que l'orage est partout ; C'est que le désert est un monde aussi d'humaines pensées ; C'est que le rocher de la foi, si haut et si ferme qu'on l'obtienne, reçoit, par de certains vents, l'écume éparse de tous les flots. Les mêmes mouvements éclosent plus ou moins, et s'essaient en tous les temps dans tous les cœurs. Les mêmes circonstances morales essentielles se reproduisent à peu près en chacun ou du moins elles se peuvent conclure à l'aide de celles auxquelles nul n'échappe entièrement. Bourdaloue, Jean Gerson, ou Jean Climaque, nos maîtres spirituels, vous avez tous lu, en vos époques bien diverses, à cette commune nature d'Adam, avec cette même lampe du Christ et des Vierges Sages . Quiconque y pénètre après vous, retrouve à chaque pas vos lueurs. Le plus corrompu et le plus tortueux des mondains n'en sait pas tant bien souvent sur les moindres replis de l'âme, que vous droits et humbles. Car, chaque soir, chaque matin, à toute heure du jour et de la nuit, durant des années sans nombre, vous avez visité coins et recoins de vous-même, comme, avant de se coucher, fait dans les détours du logis la servante prudente. Oh ! qu'on