Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/260

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encore ces tristes consolations souillées dont l'effet immédiat attaque si directement la volonté à son centre !

Vie tiraillée et nouée dans les plus sensibles portions de l'être ! Embarras paralysant d'une nature née pour le bien d'une jeunesse qui s'est prise au piège, en voulant illégitimement aimer, et qui ne sait plus aboutir en vertu franche ni en désordre insouciant et hardi. Agonie, rapetissement, et plainte des âmes tendres déchues ! Oh ! j'ai bien connu cette situation fausse et son absurde profondeur, ces dégoûts de tout qu'elle engendre, cet embrouillement inextricable qui meurtrit bientôt sur tous les points un cerveau jusque-là sain, net et vigoureux, cet échec perpétuel au principe et au ressort de toute action, cette lente et muette défaite au sein des années vaillantes ! C'est comme un combat qui se livre incessamment en nous sans pouvoir se trancher d'un côté ni de l'autre, et l'âme en prostration, qui est le prix du combat, sert aussi de champ de bataille et subit tous les refoulements contraires, et ne sait, à la fin de chaque journée, à qui elle appartient ! Ce sont de longues matinées, attachées et clouées à une même place, comme par une manie obstinée ; sur un fauteuil, ou dans ses rideaux ; la tête dans les mains, les yeux se dérobant, comme indignes, à la clarté du jour, et le visage caché dans un chevet ; - plus d'étude, un livre ouvert au hasard qu'on lit presque au rebours, tant l'esprit est ailleurs !

Quelques gouttes de pluie qu'on écoute tomber une à une dans la cendre du foyer ; de vrais limbes sous une lumière blafarde et bizarre ; une inertie mêlée d'angoisse, d'une angoisse dont on n'a plus présents les motifs, mais qui subsiste comme une fièvre lente dont on compte les battements. Et si l'on y repense, un éveil, un ébranlement confus de tous les obstacles, de toutes les difficultés et impossibilités, mais nulle issue, pas une ouverture pour rentrer dans la paix et l'équilibre, pour se replacer dans l'ordre en s'immolant à