Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/271

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Elle se reprochait d'avoir trop négligé Dieu jusque-là, de s'être trop rarement approchée du seul efficace et permanent Consolateur. Elle souhaitait une vie plus retirée, plus étroite encore. Un couvent à Blois avec sa fille aurait été son vœu ; car elle craignait, disait-elle, d'être tout à fait inutile et comme étrangère à M. de Couaën, une pure cause pour lui d'habituelle inquiétude.

J'essayais de jeter à travers son effusion qui reprenait sans cesse, quelques mots de réfutation incertaine ; qu'il y a une sorte d'illusion aussi dans le trop de désabusement ; que souvent les apparences sont pires que les intentions qu'elles accusent. Mais elle ne paraissait pas entendre ni demander de réponse ; elle continuait toujours ; pas d'aigreur, pas d'allusion fine et détournée, mais une pleine et générale application de ses paroles aux faits accomplis ; une forme clémente, un fond de jugement irréfragable. Toute cette hymne plaintive épuisée, nous étions près de quitter le jardin, quand une charmante enfant, qui passa devant nous, attira mes regards, et je crus reconnaître Madeleine de Guémio. L'idée de mademoiselle de Liniers, qui pouvait être à Paris, m'assaillit brusquement ; je le dis à madame de Couaën, et nous nous hâtâmes, pour nous en assurer, vers les deux personnes qui précédaient et avec lesquelles marchait l'enfant. Mademoiselle de Liniers (car c'était bien elle qui, tout nouvellement arrivée, se promenait là avec cette dame, ancienne amie de sa mère) tourna la tête au même moment et me reconnut. Madame de Couaën et elle ne s'étaient jamais rencontrées ; mais elles s'étaient écrit, elles s'aimaient. Mademoiselle de Liniers avait appris déjà la perte funeste ; ces deux femmes, à peine nommées l'une et l'autre, s'embrassèrent émues ; voyant cela, la jeune Madeleine, plus grande, baisait au front la petite Lucy, sérieuse et étonnée. On se promit de se voir ;