Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/328

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maintenant que mes supérieurs aient trop d'estime pour moi ! ” Il aurait dit volontiers avec le Philosophe inconnu que, par respect pour les hautes vérités, il eût quelquefois mieux aimé passer pour un homme vicieux et souillé, que pour un contemplateur intelligent qui parût les connaître : “ La grande et respectable vérité, s'écriait Saint-Martin dans un accès d'adoration, m'a toujours semblé si loin de l'esprit des hommes, que je craignais bien plus de paraître sage que fol à leurs yeux. ”

M. Hamon était habituellement ainsi. Il raconte lui-même, dans une Relation ou confession, tracée à son usage, de quelques circonstances de sa vie , la première occasion qui le détermina à écrire. Avec quelle émotion n'en lisais-je pas les détails, qui me rappelaient des lieux si fréquentés de moi, des alternatives si familières à mon propre cœur !

— “ La première fois, disait M. Hamon, que je vis M. de Saci, je lui demandai s'il y aurait du mal à écrire quelque chose sur quelques versets des Cantiques ; il l'approuva fort, mais la difficulté était de commencer, et je ne savais comment m'y prendre. Comme j'allai à Paris, un jour que je n'avais fait que courir sans prier Dieu et dans une dissipation entière, toutes sortes de méchantes pensées ayant pris un cours si libre dans mon cœur et avec tant d'impétuosité, que c'était comme un torrent qui m'entraînait, je m'en retournais à la maison tout hors de moi, lorsque me trouvant proche l'église de Saint-Jacques dans le faubourg, j'y entrai n'en pouvant plus. Ce m'était un lieu de refuge : elle était fort solitaire les après-dîners. J'y demeurai longtemps, car j'étais tellement perdu et comme enterré dans le tombeau que je m'étais creusé moi-même, qu'il ne m'était pas possible de me retrouver.