Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/370

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déjà suffisamment remise, quand le recteur qui avait fait hâte entra ; elle le reconnut à son habit, ne l'ayant pas vu auparavant, et elle comprit l'intention de sa présence. C'est alors que, se tournant vers nous, sans que le moindre embarras fit faillir cette voix si faible, sans que la moindre rougeur altérât la pâleur unie et déjà morte de son front, elle déclara souhaiter, puisque Dieu semblait m'avoir envoyé à dessein, et si toutefois M. le recteur et M. de Couaën, à qui elle en demandait la faveur, y consentaient, que ce fût moi qui la confessât, la communiât et la préparât à la mort qu'elle sentait approcher. Le recteur, qui me connaissait déjà de nom s'empressa, après deux ou trois questions qu'il me fit, d'acquiescer au vœu de la malade et de me céder tout pouvoir. Mais un nuage passa au front de M. de Couaën ; ce fut très rapide, et, lui-même, il vint, en me serrant convulsivement les mains, me conjurer d'accepter. J'eus un moment de doute extrême : mais quand l'idée de tant de coïncidences miraculeuses s'éclaircit en moi, quand après ce premier acheminement en Bretagne par suite de mon premier désir, je vins à rapprocher de la scène présente ce second désir si ardent que j'avais eu le matin même de quitter incontinent la maison de mon oncle pour Couaën, je ne pus méconnaître toute une ligne tracée et une indication lumineuse des voies de Dieu. Je m'inclinai donc ne répondant que peu de mots qu'étouffaient les larmes, et je sortis de la chambre pour me recueillir par la prière avant les heures du ministère redoutable.

A peine retiré dans cette autre chambre où j'avais logé autrefois et qu'on m'avait de nouveau fait préparer, le poids m'accabla ; je tombai abîmé, le front contre terre, et j'invoquai avec élancement Celui qui fortifie et qui attendrit, qui donne au cœur la cuirasse d'airain et aux lèvres la suavité incorruptible ; Celui qui sait surtout