Page:Salluste, Dotteville - Traduction de Salluste.djvu/194

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Ancêtres ? Enfin, quelqu’un qui aura jamais été de vos ennemis, peut-il avoir compassion de moi ? D’ailleurs, nous avons appris de Masinissa, à ne nous attacher qu’au Peuple Romain. Il pensoit que votre amitié étoit plus que suffisante pour assurer notre tranquillité, qu’il ne nous falloit point rechercher d’autres alliances ; & que, si la fortune de votre Empire venoit à changer, nous devions nous déterminer à périr en même temps. Graces aux Dieux, & à votre vertu, vous êtes grands & puissants ; tout vous réussit ; tout est soumis à vos Loix. Vous en pouvez d’autant plus facilement secourir ceux de vos Alliés qu’on opprime. Tout ce que je ctains, c’est que quelques particuliers ne suivent trop les mouvements de leur amitié pour Jugurtha, dont le cœur leur est peu connu[1].

  1. Amicitia parùm cognita, peut signifier aussi une amitié fondée sur des motifs qui ne vous pas assez connus, des liaisons dont vous n’êtes pas suffisamment instruits. J’aurois volontiers conservé dans le françois l’ambiguïté du latin ; mais ne le pouvant pas, je me suis déterminé pour le premier sens, comme étant plus conforme au caractere d’un Prince foible, qui cherche plutôt à toucher ses ennemis qu’à les aigrir. On reconnoîtra facilement cette disposition dans la Lettre qu’il écrivit quelque temps après au Sénat. Plura, dit-il, de Jugurthâ scribere dehortatur fortuna mea.—Je n’ose m’expliquer davantage au sujet de Jugurtha ; l’état de ma fortune m’en dissuade. Ce discours a toute l’éloquence dont est susceptible un Orateur ingénieux, mais timide. Un pareil homme ne peut jamais faire une grande impression sur des Guerriers ambitieux ou avares, tels qu’étoient alors la plupart des Romains.