Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/168

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destins pour la chute de Rome, les citoyens en viendront aux mains avec les citoyens, et ainsi fatigués, épuisés de sang, ils deviendront la proie de quelque roi ou de quelque nation : autrement le monde entier ni tous les peuples conjurés ne pourront ébranler, encore moins renverser cet empire. D’où il suit qu’il faut affermir les avantages de l’union, et bannir au plus tôt les maux de la discorde.

Tu auras atteint ce double but, si tu arrêtes cette fureur de prodigalités et de concussions, non pas en rappelant d’antiques institutions, que depuis longtemps la corruption des mœurs a rendues ridicules, mais en établissant que la dépense de chacun sera limitée à son revenu ; car il est passé en usage chez nos jeunes gens de débuter par dissiper leur bien et celui des autres ; ils tiennent qu’il n’est rien de plus beau que de ne rien refuser à ses passions et à l’importunité d’autrui ; c’est là qu’ils mettent la vertu, la grandeur d’âme, et pour eux la pudeur et l’économie sont tout ce qu’il y a de plus honteux. Aussi à peine ces esprits ardents, engagés dans cette voie mauvaise, voient-ils leurs ressources leur échapper, qu’ils se jettent ardemment, tantôt sur nos alliés, tantôt sur les citoyens, portent partout le désordre, et refont leur fortune aux dépens de celle de l’état (18).

Il faut donc abolir l’usure à l’avenir, afin que chacun de nous remettre de l’ordre dans ses affaires. Voilà le vrai et simple moyen qu’un magistrat n’exerce plus pour ses créanciers, mais pour le peuple, et qu’il fasse consister la grandeur d’âme à enrichir et non à dépouiller la république.

VI. Et je sais combien dans le commencement sera pénible cette obligation, surtout à ceux qui s’imaginaient trouver dans la victoire plus de licence et de liberté au lieu de nouvelles entraves ; mais, si tu consultes leurs vrais intérêts plutôt que leurs passions, tu leur procureras, ainsi qu’à nous et à nos alliés, une solide paix. Si la jeunesse conserve les mêmes goûts, les mêmes mœurs, prends garde que ta gloire, si brillante et si pure, ne périsse bientôt avec Rome. Enfin les hommes sages ne se résignent au travail qu’en vue du repos, ne font la guerre que pour avoir la paix. Si tu n’assures la nôtre, qu’importe que tu aies été vainqueur ou vaincu ?

Ainsi donc, au nom des dieux, prends en main la république, et surmonte avec ton habileté ordinaire tous les obstacles ; car toi seul peux remédier à nos maux, ou il est inutile que personne le tente. Et l’on ne te demande pas ces châtiments rigoureux, ces jugements cruels qui désolent plus un pays qu’ils ne le réforment ; il ne s’agit que de préserver la jeunesse du dérèglement des mœurs et des mauvaises passions.

La véritable clémence consiste à empêcher que les citoyens ne s’exposent plus tard à de justes exils, à les écarter des folies et des voluptés trompeuses, à affermir la paix, la concorde ; et tu y manquerais, si, indulgent aux vices et tolérant les délits, tu permettais le plaisir du moment au prix d’un mal à venir.

VII. Mon esprit est surtout rassuré par les mêmes motifs qui effraient les autres, je veux dire par la grandeur de ta tâche, et parce que tu as à régler les terres et les mers. Un génie tel