Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/210

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taient leur pays ; ils n’avaient pu, même en donnant des otages, acheter la paix d’Arioviste. Les Trévires, de leur côté, l’informaient que cent cantons des Suèves étaient campés sur les rives du Rhin et tentaient de passer ce fleuve ; ils étaient commandés par deux frères, Nasua et Cimbérios. César, vivement ému de ces nouvelles, vit qu’il n’avait pas un instant à perdre ; il craignit, si de nouvelles bandes de Suèves se joignaient aux anciennes troupes d’Arioviste, qu’il ne devînt moins facile de leur résister. Il fit donc rassembler des vivres en toute hâte, et marcha à grandes journées contre Arioviste.

XXXVIII. Il était en marche depuis trois jours, lorsqu’on lui annonça que celui-ci, avec toutes ses forces, se dirigeait contre Vésontio[1], la plus forte place des Séquanes, et que, depuis autant de jours, il avait passé la frontière. César crut devoir faire tous ses efforts pour le prévenir, car cette ville était abondamment pourvue de munitions de toute espèce, et sa position naturelle la défendait de manière à en faire un point très avantageux pour soutenir la guerre. La rivière du Doubs décrit un cercle à l’entour et l’environne presque entièrement ; la partie que l’eau ne baigne pas, et qui n’a pas plus de six cents pieds, est protégée par une haute montagne dont la base touche de chaque côté aux rives du Doubs. Une enceinte de murs fait de cette montagne une citadelle et la joint à la ville. César s’avance à grandes journées, et le jour et la nuit, s’en rend maître et y met garnison.

XXXIX. Pendant le peu de jours qu’il passa à Vésontio, afin de pourvoir aux subsistances et aux vivres, les réponses que faisaient aux questions de nos soldats les Gaulois et les marchands qui leur parlaient de la taille gigantesque des Germains, de leur incroyable valeur, de leur grande habitude de la guerre, de leur aspect terrible et du feu de leurs regards qu’ils avaient à peine pu soutenir dans de nombreux combats, jetèrent tout à coup une vive terreur dans toute l’armée ; un trouble universel et profond s’empara des esprits. Cette frayeur commença par les tribuns militaires, par les préfets et par ceux qui, ayant suivi César par amitié, n’avaient que peu d’expérience de la guerre ; les uns, alléguant diverses nécessités, lui demandaient qu’il leur permît de partir ; d’autres, retenus par la honte, ne restaient que pour ne pas encourir le reproche de lâcheté ; ils ne pouvaient ni composer leurs visages ni retenir leurs larmes qui s’échappaient quelquefois. Cachés dans leurs tentes, ils se plaignaient de leur sort ou déploraient avec leurs amis le danger commun. Dans tout le camp chacun faisait son testament. Ces plaintes et cette terreur ébranlèrent peu à peu ceux mêmes qui avaient vieilli dans les camps, les soldats, les centurions, les commandants de la cavalerie. Ceux qui voulaient passer pour les moins effrayés disaient que ce n’était pas l’ennemi qu’ils craignaient, mais la difficulté des chemins, la profondeur des forêts qui les séparaient d’Arioviste, et les embarras du transport des vivres. On rapporta même à César que, quand il ordonnerait de lever le camp

  1. Besançon.