Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/239

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marche aux yeux de l’ennemi, occupé tout entier à combattre, ils arrivent promptement à cette partie du retranchement dont nous parlions, en forcent l’entrée et pénètrent dans le camp des ennemis avant que ceux-ci aient pu les apercevoir ou apprendre ce qui se passe. Avertis par les cris qui se font entendre de ce côté, les nôtres sentent renaître leurs forces, comme il arrive d’ordinaire quand on a l’espoir de vaincre, et ils pressent l’attaque avec plus de vigueur. Les ennemis, enveloppés de toutes parts, perdent courage, se précipitent du haut de leurs remparts et cherchent leur salut dans la fuite. La cavalerie les atteignit en rase campagne ; de cinquante mille hommes fournis par l’Aquitaine et le pays des Cantabres, elle laissa à peine échapper le quart, et ne rentra au camp que bien avant dans la nuit.

XXVII. Au bruit de cette victoire la plus grande partie de l’Aquitanie se rendit à Crassus, et envoya d’elle-même des otages. De ce nombre furent les Tarbelles[1], les Bigerrions, les Ptianii, les Vocates, les Tarusates, les Elusates, les Gates, les Ausques, les Garunni, les Sibuzates, et les Cocosates[2]. Quelques états éloignés se fiant sur la saison avancée, négligèrent d’en faire autant.

XXVIII. Presque dans le même temps, bien que l’été fût déjà près de sa fin, César, voyant toute la Gaule pacifiée, à l’exception des Morins et des Ménapes qui restaient en armes, et ne lui avaient jamais envoyé de députés pour demander la paix, fit marcher son armée contre eux, espérant que cette guerre serait bientôt terminée. Ces peuples arrêtèrent, pour la soutenir, un plan tout autre que le reste des Gaulois ; car, voyant tant de grandes nations repoussées et vaincues en livrant des batailles, ils se retirèrent avec tous leurs biens dans les bois et les marais, dont leur pays était couvert. César, arrivé à l’entrée de ces forêts, commençait à y retrancher son camp, sans qu’un seul ennemi se fût montré, lorsque tout à coup, et pendant que nos soldats étaient çà et là occupés aux travaux, ils accourent de tous les côtés de la forêt, et fondent sur nous. Les Romains saisissent promptement leurs armes, les repoussent dans le bois et en tuent un grand nombre, mais, les ayant poursuivis trop loin dans des lieux couverts, ils essuyèrent eux-mêmes quelques pertes.

XXIX. Les jours suivants, César fit travailler à abattre la forêt, et, pour empêcher qu’on ne prît en flanc et par surprise les soldats désarmés, il fit entasser en face de l’ennemi tout le bois que l’on coupait, pour s’en faire un rempart de chaque côté. Ce travail avait été, en peu de jours et avec une incroyable vitesse, exécuté sur un grand espace de terrain : nous étions déjà maîtres du bétail et des derniers rangs des bagages de l’ennemi, qui s’enfonçait dans l’épaisseur des forêts, lorsque le temps fut tel, qu’il força d’interrompre les travaux ; il ne fut plus même possible, à cause de la continuité des pluies, de tenir le soldat sous les tentes. Après avoir ravagé tout le pays et brûlé les bourgs et les habitations, César ramena

  1. Leur territoire contenait les Landes, le terre de Labour et le Béarn.
  2. Peuple de Marensum, à haut lieues de Dax.