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Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/256

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leva l’ancre au coucher du soleil, par un léger vent du sud-ouest qui, ayant cessé vers le milieu de la nuit, ne lui permit pas de continuer sa route ; entraîné assez loin par la marée, il s’aperçut, au point du jour, qu’il avait laissé la Bretagne sur la gauche. Alors, se laissant aller au reflux, il fit force de rames pour gagner cette partie de l’île, où il avait appris, l’été précédent, que la descente est commode. On ne put trop louer, dans cette circonstance, le zèle des soldats qui, sur des vaisseaux de transport peu maniables, égalèrent, par le travail continu des rames, la vitesse des galères. Toute la flotte prit terre environ vers midi ; aucun ennemi ne se montra dans ces parages ; mais César sut plus tard des captifs que beaucoup de troupes s’y étaient réunies, et que, effrayées à la vue du grand nombre de nos vaisseaux (car y compris les barques légères que chacun destinait à sa commodité particulière, il y en avait plus de huit cents), elles s’étaient éloignées du rivage et réfugiées sur les hauteurs.

IX. César, ayant établi l’armée à terre et choisi un terrain propre au campement, dès qu’il eut appris par des prisonniers où s’étaient retirées les troupes ennemies, il laissa près de la mer dix cohortes et trois cents cavaliers pour la garde de la flotte, et, à la troisième veille, marcha contre les Bretons : il craignait d’autant moins pour les vaisseaux qu’il les laissait à l’ancre sur un rivage uni et découvert. Il en avait confié le commandement à Q. Atrius. César avait fait dans la nuit environ douze mille pas, lorsqu’il aperçut les troupes des ennemis. Ils s’étaient avancés avec la cavalerie et les chars sur le bord d’une rivière[1], et placés sur une hauteur ; ils commencèrent à nous disputer le passage et engagèrent le combat. Repoussés par la cavalerie, ils se retirèrent dans les bois, où ils trouvèrent un lieu admirablement fortifié par la nature et par l’art, et qui paraissait avoir été disposé jadis pour une guerre civile ; car toutes les avenues en étaient fermées par d’épais abattis d’arbres. C’était de ces bois qu’ils combattaient disséminés, défendant l’approche de leurs retranchements. Mais les soldats de la septième légion, ayant formé la tortue[2] et élevé une terrasse jusqu’au pied du rempart, s’emparèrent de cette position et les chassèrent du bois, presque sans éprouver de pertes. César défendit toutefois de poursuivre trop loin les fuyards, parce qu’il ne connaissait pas le pays et qu’une grande partie du jour étant écoulée, il voulait employer le reste à la fortification du camp.

X. Le lendemain matin, ayant partagé l’infanterie et la cavalerie en trois corps, il les envoya à la poursuite des fuyards. Elles n’avaient fait que très peu de chemin et les derniers rangs étaient encore à la vue du camp, lorsque des cavaliers, envoyés par Q. Atrius à César, vinrent lui annoncer que, la nuit précédente, une violente tempête avait brisé et jeté sur le rivage presque tous les vaisseaux ; que ni ancres ni cordages n’avaient pu résister ; que les efforts des matelots et des

  1. Probablement la rivière de Flour, qui passe à Cantorbéry, et qui est à quatre lieues de Douvres.
  2. V. liv. I, c. 25.