Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/277

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velots. Les ennemis, voyant, contre leur attente, fondre sur eux les enseignes menaçantes de ceux qu’ils croyaient en fuite, ne purent pas même soutenir notre choc, s’enfuirent à la première attaque et gagnèrent les forêts voisines. Labiénus les poursuivit avec la cavalerie, en tua un grand nombre, fit beaucoup de prisonniers, et reçut peu de jours après la soumission du pays ; car les Germains, qui venaient à leur secours, retournèrent chez eux à la nouvelle de cette défaite. Les parents d’Indutiomaros, qui étaient les auteurs de la révolte, sortirent du territoire et se retirèrent avec eux. Cingétorix qui, comme nous l’avons vu, était toujours resté dans le devoir, reçut le gouvernement suprême de sa nation.

IX. César, étant venu du pays des Ménapes dans celui des Trévires, résolut, pour deux motifs, de passer le Rhin : l’un, pour punir les Germains d’avoir envoyé des secours aux Trévires, ses ennemis ; l’autre, pour fermer à Ambiorix toute retraite chez eux. En conséquence, il voulut construire un pont un peu au-dessus de l’endroit où s’était antérieurement effectué le passage de l’armée. Grâce à la connaissance des procédés déjà employés, et à l’ardeur extrême des soldats, l’ouvrage fut achevé en peu de jours. Après avoir laissé une forte garde à la tête du pont, du côté des Trévires, dans la prévision de quelque mouvement subit de la part de ce peuple, il passa le fleuve avec le reste des légions et la cavalerie. Les Ubiens, qui, avant ce temps, lui avaient donné des otages et s’étaient rendus à lui, envoient des députés pour se justifier, et lui exposer « qu’ils n’ont ni prêté des secours aux Trévires, ni violé leur foi. » Ils demandent avec prière « qu’on les épargne, et que, dans la haine générale contre les Germains, on ne fasse point supporter aux innocents les châtiments dus aux coupables ; si César exige de nouveaux otages, ils offrent de les donner. » César s’informa du fait, et apprit que les secours avaient été envoyés par les Suèves ; il reçut les satisfactions des Ubiens, et s’enquit des chemins et des passages qui conduisaient chez les Suèves.

X. Peu de jours après, il sut des Ubiens que les Suèves rassemblaient toutes leurs troupes en un seul lieu, et qu’ils avaient ordonné aux nations qui étaient dans leur dépendance de leur envoyer des secours tant en infanterie qu’en cavalerie. Sur cet avis, César se pourvoit de vivres, choisit pour le camp une position avantageuse, et enjoint aux Ubiens d’abandonner les campagnes et de faire passer dans les places fortes leur bétail et tous leurs biens, espérant amener, par la famine, ces hommes barbares et ignorants à la nécessité de combattre avec désavantage. Il charge les Ubiens d’envoyer chez les Suèves de nombreux éclaireurs pour connaître tout ce qu’ils font. Ses ordres sont exécutés, et, peu de jours après, on lui rapporte « que les Suèves, instruits par des messagers de l’approche de l’armée romaine, s’étaient, avec toutes leurs troupes et celles de leurs alliés, retirés jusqu’à l’extrémité de leur territoire ; que là est une forêt d’une grandeur immense, appelée Bacenis[1], qui s’étend fort avant dans l’intérieur du pays, et qui, placée comme un mur naturel entre les Suèves et les Chérusques, met ces deux

  1. Selon Cellerius, cette forêt est ce qu’on appelle aujourd’hui le Hartz, en Basse-Saxe, dans la principauté de Wolfenbuttel. — La véritable position de ce peuple est inconnue.