Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/292

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par le motif allégué aux lieutenants ou par trahison que les Héduens en agirent ainsi ? c’est ce qu’on ne peut décider, n’y ayant rien de positif à cet égard. Après leur départ, les Bituriges se rejoignirent aux Arvernes.

VI. Lorsque César apprit ces événements en Italie, il savait déjà que, grâce aux talents de Cn. Pompée, les affaires avaient pris un meilleur aspect à Rome ; il partit donc pour la Gaule transalpine. En arrivant, il se trouva fort embarrassé sur le moyen de rejoindre son armée ; > car s’il faisait venir ses légions dans la province, elles auraient dans la marche à combattre sans lui ; que s’il essayait de les aller trouver, il n’était pas prudent de confier sa personne même à un peuple qui à cette époque paraissait soumis.

VII. Cependant le Cadurque Luctérios, envoyé chez les Rutènes, les attire au parti des Arvernes, va de là chez les Nitiobroges[1] et les Gabales[2], qui lui donnent les uns et les autres des otages ; puis, à la tête d’une nombreuse armée, il marche pour envahir la Province du côté de Narbonne. À cette nouvelle, César crut devoir préférablement à tout partir pour cette Province. Il y arrive, rassure les peuples effrayés, établit des postes chez ceux des Rutènes, qui dépendent de la province, chez les Volques Arécomikes[3], chez les Tolosates[4] et autour de Narbonne, lieux qui tous étaient voisins de l’ennemi. En même temps, il donne ordre à une partie des troupes de la province, et au renfort qu’il avait amené de l’Italie, de se réunir chez les Helves[5], qui sont limitrophes des Arvernes.

VIII. Ces choses ainsi disposées, et Luctérios s’étant arrêté et même retiré parce qu’il crut dangereux de s’engager au milieu de ces différents corps de troupes, César se rendit chez les Helviens, quoique dans cette saison, la plus rigoureuse de l’année, la neige encombrât les chemins des Cévennes, montagnes qui séparent les Helviens des Arvernes. Cependant à force de travail, en faisant écarter par le soldat la neige épaisse de six pieds, César s’y fraie un chemin et parvient sur la frontière des Arvernes. Tombant sur eux au moment où ils ne s’y attendaient pas, parce qu’ils se croyaient défendus par les Cévennes comme par un mur, et que dans cette saison les sentiers n’en avaient jamais été praticables même pour un homme seul, il ordonne à sa cavalerie d’étendre ses courses aussi loin qu’il lui sera possible, afin de causer aux ennemis un plus grand effroi. La renommée et des courriers en informent bientôt Vercingétorix. Tous les Arvernes éperdus l’entourent et le conjurent de penser à leurs intérêts, de ne pas laisser ravager leurs propriétés, maintenant que toute la guerre s’est portée chez eux. Il cède à leurs prières, décampe, quitte le pays des Bituriges, pour se rapprocher de celui des Arvernes.

IX. César ne s’arrêta dans le pays que deux jours, prévoyant le parti que prendrait Vercingétorix ; et il quitta l’armée, sous le prétexte de rassembler des renforts et de la cavalerie. Il laisse le commandement des troupes au jeune Brutus,

  1. Peuple de l’Agénois.
  2. Peuple du Gévaudan.
  3. Peuple du Bas-Languedoc.
  4. Peuple du territoire de Toulouse, capitale des Volkes-Tectosages, ou habitans du Haut-Languedoc.
  5. Peuple du Vivarais.