Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/310

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magistrat, Convictolitavis, et une grande partie du sénat s’étaient rendus près de lui ; qu’on avait ouvertement envoyé des ambassadeurs à Vercingétorix, pour faire avec lui un traité de paix et d’alliance. Ils ne voulurent pas laisser échapper une occasion si favorable. Ils massacrèrent la garde laissée à Noviodunum, les marchands et les voyageurs qui s’y trouvaient, partagèrent entre eux l’argent et les chevaux, et firent conduire dans Bibracte, à Convictolitavis, les otages des cités ; puis, jugeant qu’ils étaient hors d’état de garder la ville, ils la brûlèrent, afin qu’elle ne servit pas aux Romains, emportèrent sur des bateaux autant de blé que le moment le permettait, et jetèrent le reste dans la rivière ou dans le feu. Ensuite, levant des troupes dans les pays voisins, ils placèrent des postes et des détachements le long de la Loire, et firent en tout lieu parade de leur cavalerie, pour répandre la terreur et pour essayer de chasser les Romains de la contrée par la disette, en leur coupant les vivres, espoir d’autant mieux fondé que la Loire, alors enflée par la fonte des neiges, ne paraissait guéable en aucun endroit.

LVI. Instruit de tous ces mouvements, César crut devoir hâter sa marche ; il voulait, au besoin, essayer de jeter des ponts sur la Loire, combattre avant que l’ennemi eût assemblé de plus grandes forces ; car changer de plan et rétrograder sur la province, était un parti que la crainte même ne l’eût pas forcé de prendre, soit parce qu’il sentait la honte et l’indignité de cette mesure, à laquelle s’opposaient d’ailleurs les Cévennes et la difficulté des chemins, soit surtout parce qu’il craignait vivement pour Labiénus, dont il était séparé, et pour les légions parties sous ses ordres. Forçant donc sa marche de jour et de nuit, il arriva, contre l’attente générale, sur les bords de la Loire ; la cavalerie ayant trouvé un gué assez commode eu égard aux circonstances (on y avait seulement hors de l’eau les épaules et les bras pour soutenir les armes), il la disposa de manière à rompre le courant, et l’armée passa sans perte à la vue des ennemis soudainement effrayés. Les troupes s’approvisionnèrent, de bétail et de blé, dont on trouva les champs couverts, et l’on se dirigea vers les Sénons.

LVII. Pendant ces mouvements de l’armée de César, Labiénus ayant laissé à Agédincum[1], pour la garde des bagages, les recrues récemment arrivées d’Italie, se porte avec quatre légions vers Lutèce[2]. Cette ville appartient aux Parisii et est située dans une île de la Seine. Au bruit de son arrivée, un grand nombre de troupes ennemies se réunirent des pays voisins. Le commandement en chef fut donné à l’Aulerque Camulogène, vieillard chargé d’années, mais à qui sa profonde expérience dans l’art militaire mérita cet honneur. Ce général ayant remarqué que la ville était entourée d’un marais[3] qui aboutissait à la Seine, et protégeait merveilleusement cette place, y établit ses troupes dans le but de nous disputer le passage.

LVIII. Labiénus travailla d’abord à dresser des mantelets, à combler le marais de claies et de fas-

  1. Sens.
  2. Paris, ou plus exactement la partie de cette ville qu’aujourd’hui l’on appelle la Cité.
  3. Formé probablement par la rivière de Bèvre.