Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/37

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gnité des gens qui amassaient de l’argent par de mauvaises voies. Enfin, les neuf années de sa vie qui s’ecoulèrent dans ce repos, furent employées à mettre la dernière main à son histoire, et à jouir de la société des divers gens de lettres et de mérite, tels que Messala Corvinus, Cornélius Nepos, Nigidius Figulus, et Horace, qui avait comme lui une maison de campagne à Tivoli, dont Mœcénas lui avait fait don, et qui commençait alors à se distinguer par ses talents. Il mourut en 718, sous le consulat de Cornificius et du jeune Pompée, dans la cinquante et unième année de son âge, laissant veuve sa femme Térentia, qui se remaria au célèbre orateur Messala Corvinus, de sorte qu’elle a été femme de trois des plus beaux génies de son siècle. Elle survécut de beaucoup non-seulement à ce troisième mari, mais même à Vibius Rufus, qui fut le quatrième, et ne mourut, dit-on, qu’à l’âge de cent dix-sept ans.

Salluste avait une ligure noble et une physionomie marquée, qui répondait mieux à ses discours qu’à ses mœurs ; c’est du moins ce qu’on peut juger sur le buste que nous avons de lui. Les médailles qui portent son nom, et dont l’authenticité est douteuse, le représentent jeune et lui donnent un tout autre air. Je les ai toutes fait graver au devant de cet ouvrage, croyant en ceci faire plaisir au lecteur, qui aime naturellement à connaître les portraits des hommes célèbres, et s’intéresse plus volontiers aux actions de ceux dont il connaît le visage ; mais il faut convenir en même temps qu’il n’y a pas beaucoup de fond à faire sur l’authenticité de ces monuments. Le buste est au palais Farnèse ; l’ouvrage en est beau et du bon temps de la sculpture, c’est-à-dire qu’il pourrait être à peu près du temps de Salluste ; mais le nom n’y est pas, et ce n’est que par une tradition continuée, qu’il lui est attribué. Un autre buste, qui est à Dusse dorp, porte bien à la vérité le nom de Salluste, mais Richardson, qui les a vus tous les deux, parle de celui-ci comme d’une copie du premier. Quant aux médailles, elles paraissent fabriquées après coup dans le Bas-Empire, et se ressentent du mauvais goût de leur siècle. En effet, on commença à frapper de ces sortes de médailles dès le règne de Constantin, et surtout sous celui d’Honorius. J’ai tiré du cabinet du grand-duc la première que l’on voit ici. Fabricius regarde l’orthographe du nom de Salluste par une seule l, comme une preuve que la médaille n’a été frappée que long-temps après lui ; mais le mauvais goût de l’ouvrage en est seul une preuve suffisante. Je pense que la légende du revers, Petroni placeas, désigne le nom de relui à qui l’ouvrier l’offrait. Les deux suivantes ont été données par Fulvius Ursinus, sans qu’on sache d’où il les a tirées, Gronovius, au troisième tome de ses antiquités grecques, rapporte la quatrième ; elle provient de la collection de la reine Christin. Enfin, Charles Patin a donné la cinquième, avec le revers singulier d’un soleil levant sur son char. Il l’a tirée du cabinet de Morosini, à Venise, et l’attribue non à notre historien, mais à un Salluste consul eu 1095, auquel Patin, de son chef, donne le surnom d’autor, quoique aucun faste ni aucun historien ne le lui donne, ce qui suffit pour rendre le sentiment de Patin dénué de toute probabilité. Parmi les portraits ou images recueillis par Bellori, on en trouve un avec ce titre, Sallustuis auctor.

Salluste ne laissa point d’enfant naturel, mais seulement un fils adoptif, petit-fils de sa sœur ; il fut l’héritier de son nom et de ses biens, ainsi que de son goût pour la magnificence et les plaisirs. Il s’adonna même aux arts, et imita l’airain de Corinthe dont il fut l’inventeur ; on l’appela de son nom l’airain sallustien ; la base en était tirée de certaine mine des Alpes. Ce mélange eut d’abord une grande vogue, mais qui ne dura pas. Ce jeune homme, avec des talents supérieurs, et toutes les facilités pour parvenir, que donne la faveur du prince, ne voulut jamais monter plus haut que l’ordre des chevaliers, dans lequel il était né. Mais, à l’imitation de Mœcénas, qui fut son prédécesseur et son modèle en tout, il surpassa de bien loin en crédit les plus grands de l’état, et s’éleva réellement au-dessus d’eux, non par la pratique de ces vertus sévères, qui n’étaient plus de son siècle, mais en joignant le goût des plaisirs au luxe et à la somptuosité, sans jamais séparer les voluptés de la délicatesse ; mais en déguisant sous ces dehors peu dangereux une âme vigoureuse, un génie capable des plus grandes affaires, et d’autant plus pénétrant qu’il ne le montrait jamais que sous un extérieur langoureux et endormi. Il eut la seconde place dans la faveur d’Auguste tant que Mœcénas vécut, et devint, après la mort de celui-ci, le principal confident et l’intime ami de son maître. Cette intimité se ralentit néanmoins, à force d’avoir long-temps duré. Salluste en conserva plutôt l’apparence que la réalité. La même chose était arrivée à Mœcénas, et cette fatalité semble attachée aux amitiés qui se contractent entre les princes et les sujets. l’ne lassitude récipro(pie s’en empare presque toujours au bout d’iui certain temps , lorsque le prince s’ennuie de n’avoir plus rien adonner, ou le favori de n’avoir plus rien à désirer. Mais , à l’instant que Tibèreeul succédé à Auguste , Salluste reprit auprès de hn le même rang qu’il avait tenu près de l’autre. Tibère le chargea de l’importante conunissiim de portera un centurion, delà paît d’Auguste, un ordre d’aller tuer le posthume Agrippa dans son exil , soit ipie cet ordre fut reellenienl émané d’Auguste, ou <|uil fut supposé, comme il est pltis vraisemblable, n’y ayant guère d’apparence qu’Auguste, en mourant , ail voulu .sacrifier au fils de sa fenuue la vie même de son propre petit-fils. Cependant, lorsipie le centurion vint a|iprendre à Tibère (pic ses ordres étaient exécutés ,